Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/278

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et, le plaçant en évidence, dansèrent autour avec des trépignements d’insulte et de triomphe. Ce trophée ne leur fut repris que fort tard, et au prix de beaucoup de sang.

Chapitre II

(1) Nonobstant l’extrême consternation qui suivit ce désastre, Dagalaif fut incontinent envoyé de Paris pour tâcher de le réparer. Mais il ne fit que temporiser, alléguant que les forces des barbares étaient trop divisées pour lui permettre de frapper un coup décisif. Il ne tarda pas à être rappelé pour recevoir avec Gratien l’investiture du consulat ; et Jovin, maître de la cavalerie, prit le commandement à sa place. Ce dernier disposait d’un corps complet et en bon état. Il mit le plus grand soin à bien couvrir ses flancs ; et, surprenant à Scarponne le plus nombreux des trois corps de barbares avant que ceux-ci eussent le temps de courir aux armes, il les extermina jusqu’au dernier.

(2) Ce beau succès, obtenu sans aucune perte, exalta au dernier point l’ardeur de ses troupes. L’habile chef sut en profiter pour écraser le second corps. Avançant toujours avec la même précaution, il apprit qu’une grosse division de barbares, après avoir tout dévasté dans le voisinage, se reposait sur le bord du fleuve. Jovin poursuivit silencieusement sa marche, masqué par un vallon boisé, jusque à ce qu’enfin il vît distinctement les ennemis occupés, les uns à se baigner, les autres à lisser leur blonde chevelure à la mode de leur pays, et le plus grand nombre à boire.

(3) Le moment était favorable. Il fait sonner la charge, et tombe sur ces brigands. Leurs armes étaient dispersées ; les Germains ne purent se former ni se rallier, et n’opposèrent à leurs vainqueurs que des hurlements et des menaces vaines. Toute cette multitude tomba donc sous nos lances et nos épées, sauf un très petit nombre, qui réussirent à s’échapper vivants, et ne durent leur salut qu’à la rapidité avec laquelle ils surent fuir par des sentiers étroits et détournés.

(4) La confiance des troupes s’était encore accrue par ce grand résultat, où la fortune avait autant de part que le courage. Jovin se porta sans délai, toujours éclairant sa marche avec prudence, contre la troisième division, qu’il trouva réunie près de Châlons et disposée à combattre.

(5) Il prit un campement favorable, s’y retrancha, et employa une nuit à rafraîchir et reposer ses troupes. Le lendemain, au lever du soleil, il disposa son monde habilement dans une vaste plaine, de façon à présenter, bien qu’inférieur en nombre sinon en courage, un front de bataille égal à celui des barbares.

(6) Au moment où l’on se joignait au son des trompettes, les Germains s’arrêtèrent, un moment intimidés à la vue de nos enseignes ; mais ils se remirent aussitôt, et le combat se prolongea jusqu’à la nuit. La valeur de nos soldats s’y déploya avec sa supériorité ordinaire ; et ils auraient recueilli presque sans perte le fruit de leurs efforts si Balchobaude, tribun de l’armature, moins brave en action qu’en paroles, ne se fût honteusement retiré comme la nuit arrivait. Cette lâcheté eût rendu la déroute inévitable si le reste des cohortes avait suivi son exemple, et nul de nous ne serait resté vivant pour en porter la nouvelle.

(7) Mais la troupe tint ferme, et porta des coups si sûrs qu’elle tua six