Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/281

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cette dignité dans la capitale, je ne suis plus surpris de cet excès d’animosité entre les compétiteurs. Le concurrent qui l’obtient est sûr de s’enrichir des libérales oblations des matrones, de rouler dans le char le plus commode, d’éblouir tous les yeux par la splendeur de son costume, d’éclipser dans ses festins jusqu’aux profusions des tables royales.

(15) Ah ! que ces prélats seraient mieux inspirés si, au lieu de se faire un prétexte de la grandeur de la ville pour justifier leur luxe, ils prenaient exemple sur tels de leurs collègues des provinces, que leur ordinaire frugal, leur humble extérieur, leurs yeux baissés, leurs mœurs pures et austères, recommandent à plus juste titre à Dieu et aux véritables fidèles !

Chapitre IV

(1) Tandis que ces événements se passaient en Italie et dans les Gaules, la Thrace devenait le théâtre de nouveaux combats. Valens, de l’avis de son frère, qui le dirigeait en tout, venait de déclarer la guerre aux Goths. Cette résolution avait un motif légitime dans le secours que ce peuple avait fourni à Procope pendant la guerre civile. Disons, à propos de cette contrée, quelques mots de sa position géographique et de ses origines.

(2) La tâche serait facile si les notions des anciens auteurs étaient concordantes. Mais les livres se contredisent, et n’aident guère à découvrir la vérité qu’ils promettent. Je ne parierai que de ce que j’ai vu.

(3) La Thrace, comme l’a dit Homère, est un pays de vastes plaines et de hautes montagnes : le poète immortel en a fait la patrie de l’Aquilon et du Zéphyr. C’est une fiction ; ou, de son temps, on comprenait sous la désignation de Thrace une étendue de pays bien plus considérable, habitée par de sauvages nations.

(4) Le territoire des Scordisques notamment en faisait partie, et il se rattache de nos jours à une province qui en est fort éloignée. Nos annales nous apprennent quelle était la brutale férocité de cette race, qui sacrifiait ses prisonniers à Mars et à Bellone, et buvait avec délices du sang dans des crânes humains. Rome, dans les guerres qu’elle eut contre eux, essuya de fréquents échecs, et, en dernier lieu, une armée entière y périt avec son chef.

(5) Dans ses dimensions actuelles la Thrace a la figure du croissant de la lune, ou, si l’on veut, celle d’un magnifique amphithéâtre. À son extrémité occidentale s’élèvent les monts escarpés qui forment le défilé de Sucques, et qui séparent la Thrace de la Dacie.

(6) Elle est bornée au nord par le sourcilleux sommet de l’Hémus et par le cours de l’Ister, qui, sur la rive romaine, baigne le pied d’une multitude de villes et de châteaux.

(7) À droite et au midi s’élèvent les crêtes majestueuses du Rhodope. Elle est terminée au levant par le détroit dont les eaux, venant du Pont-Euxin, courent se confondre avec les flots de la mer Égée, et forment une séparation étroite entre les deux continents.

(8) La Thrace touche encore à la Macédoine par un point de sa limite orientale, et la communication d’une contrée à l’autre s’opère par une gorge abrupte et resserrée que l’on appelle Acontisma. Non loin de là se trouvent la vallée d’Aréthuse, la station de même nom, où l’on montre le tombeau du célèbre poète tragique Euripide, et Stagire, patrie d’Aristote, cette bouche d’or, comme l’appelle