Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/283

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s’étaient trompés, leur méprise était pardonnable.

(2) Victor transmit l’excuse à Valens, qui, la jugeant tout à fait frivole, leva ses enseignes contre les Goths, qui furent aussitôt prévenus de sa marche, et vint, au retour du printemps, camper avec toutes ses forces près de la forteresse de Daphné. Un pont de bateaux fut jeté sur le Danube, sans qu’on rencontrât de résistance ;

(3) et comme le prince put parcourir le pays dans tous les sens, ne trouvant personne à combattre ou même à chasser devant lui, sa confiance devint sans bornes. L’effroi s’était effectivement emparé des Goths à la vue du déploiement de forces imposant de l’armée impériale, et ils s’étaient retirés en masse dans les âpres montagnes des Serres, où nul ne pouvait pénétrer sans une grande habitude des lieux.

(4) Toutefois, ne voulant pas laisser toute la saison se consumer sans résultats, Valens fit battre le pays par des détachements dirigés par Arinthée, maître de l’infanterie, lesquels purent s’emparer d’une partie des familles des ennemis avant qu’elles eussent gagné les hauteurs. Ce fut là le seul fruit de cette campagne, dont le prince revint sans avoir essuyé de perte, mais sans avoir produit grand effet.

(5) L’année suivante, l’empereur allait rentrer plein d’ardeur sur le sol ennemi, quand il fut arrêté court par un débordement du Danube. Il campa tout l’été près du bourg des Carpis. Mais l’inondation continuant l’empêcha de rien entreprendre, et il revint passer l’hiver à Marcianopolis.

(6) Valens persévéra. L’année suivante, un pont jeté à Novidunum lui ouvrit le territoire des barbares, où, après de longues marches, il atteignit la belliqueuse tribu des Greuthungues, et chassa devant lui Athanaric, l’un des plus puissants parmi leurs chefs, qui s’était cru assez fort pour tenir tête à l’armée. L’empereur ensuite revint à Marcianopolis, position des plus commodes pour un quartier d’hiver.

(7) Deux causes devaient amener la fin de la guerre après cette période de trois années. D’abord la présence prolongée du prince dans leur voisinage était un sujet d’appréhension continuelle pour les Goths. L’interruption du commerce, en second lieu, privait les barbares des premières nécessités de la vie. Ils se virent enfin réduits à implorer la paix par une députation.

(8) L’empereur, esprit sans culture, mais d’un jugement très sûr avant que le poison de la flatterie eût rendu son gouvernement si funeste à la chose publique, décida, son conseil entendu, qu’il y avait lieu d’accepter la paix.

(9) Victor, et ensuite Arinthée, maîtres généraux de l’infanterie et de la cavalerie, eurent mission de traiter. Leurs lettres ayant confirmé que les Goths étaient prêts à accepter les conditions, il ne restait plus qu’à désigner un lieu de conférence convenable. Mais Athanaric allégua une défense de son père, et le serment qu’il lui avait fait de ne jamais mettre le pied sur le sol romain. De son côté, l’empereur aurait dérogé en se rendant auprès de lui. Un expédient trancha la difficulté. On ménagea une rencontre au milieu du fleuve, au