Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/284

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moyen de bateaux qui amèneraient, d’une part, l’empereur avec sa suite, et, de l’autre, le chef barbare pour ratifier la convention stipulée.

(10) C’est ce qui eut lieu. Valens se fit livrer des otages, et revint ensuite à Constantinople. Le sort y amena dans la suite Athanaric lui-même, chassé de sa patrie par une faction. Il y mourut, et fut inhumé avec magnificence suivant le rit romain.

Chapitre VI

(1) Au milieu de ces événements, Valentinien tomba gravement malade, et sa vie fut en danger. Des Gaulois de la garde du prince tinrent pendant ce temps un conciliabule où il fut question d’élever à l’empire Rusticus Julianus, garde des archives. Cet homme aimait le sang comme par instinct, ainsi qu’une bête féroce, et l’avait bien prouvé du temps qu’il gouvernait l’Asie à titre de proconsul.

(2) On l’a vu s’adoucir et se montrer plus humain dans sa préfecture de Rome, qu’il exerçait encore lorsqu’il mourut. Mais c’était l’effet de la contrainte et de la peur ; il savait bien ne devoir cette haute fonction qu’au pouvoir précaire d’un tyran et à la disette de sujets plus dignes.

(3) Une autre partie portait ses vœux sur Sévère, maître de l’infanterie, comme méritant le pouvoir suprême. Celui-ci était dur et redouté ; mais enfin c’était un homme d’une autre trempe, et de tous points préférable au premier.

(4) L’empereur toutefois recouvra la santé au milieu de ces vaines intrigues. À peine rétabli, il méditait déjà l’élévation an pouvoir de son fils Gratien, qui touchait alors à l’âge d’homme.

(5) Tout fut à l’avance disposé pour la cérémonie, et pour y préparer l’esprit de l’armée. Il fit ensuite venir Gratien, et, montant avec lui sur un tribunal élevé dans le champ de Mars, entouré des plus grands personnages de sa cour, il prit par la main le jeune prince, et, le présentant à l’assemblée, le lui recommanda par l’allocution suivante

(6) "Témoignage éclatant de votre bienveillance, la pourpre dont vous m’avez jugé digne entre tant d’hommes illustres me permet d’accomplir sous vos auspices, et avec l’appui de vos conseils, un devoir de cœur autant que de bonne politique, et que bénira le Tout-Puissant, protecteur éternel de cet empire.

(7) Recevez donc favorablement la communication que j’ai à vous faire, braves amis ; et soyez convaincus que, malgré la voix du sang qui me parle, je ne veux rien décider sans vous, sans votre sanction, qui seule peut donner force et puissance à ma résolution, et par qui seule tout me deviendra facile.

(8) Voici mon fils Gratien, dont le temps a fait un homme, et qu’une éducation commune avec vos enfants doit vous rendre aussi cher qu’à moi. Je veux, si ma tendresse de père rencontre l’assentiment du ciel et le vôtre, donner, en l’associant à la dignité d’Auguste, un gage de plus à la sécurité publique. Il n’a pas comme nous fait dès le berceau le dur apprentissage des armes, ni subi les rudes épreuves de l’adversité. Il n’est pas encore, vous le voyez, en état de supporter les fatigues de la guerre et la poussière d’un champ de bataille. Mais il porte en lui (qu’il me soit permis de le dire) le germe du courage et des vertus de ses ancêtres.

(9) Oui, je l’ai bien