Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/288

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prélèvement dont il récompensa les fatigues de sa troupe. Il rentra ensuite en triomphe dans la ville, naguère abattue sous la détresse, mais qui se ranimait soudain devant l’espoir qui lui était rendu.

(9) Ce début donna de la confiance à Théodose, sans que sa circonspection en fût diminuée. Comparant ensemble divers plans, il lui sembla que le plus sûr, eu égard à la multiplicité des nations auxquelles il avait affaire et à la dispersion de leurs forces, était de procéder par surprise, et d’accabler en détail des ennemis dont le féroce courage ne laissait pas d’autre chance de succès.

(10) Les aveux des prisonniers et les renseignements des transfuges le confirmèrent dans cette opinion. Il promit alors l’impunité par ses édits aux déserteurs qui reviendraient sous les drapeaux, et y rappela les soldats dont l’absence était autorisée. Presque tous rejoignirent au premier avis. C’était encore une présomption favorable. Mais il se sentait tiraillé par la multitude des soins, et, pour cette raison, sollicita l’envoi en Bretagne, comme lieutenant des préfets, d’un nommé Civilis, homme très capable et plein de droiture, et de Dulcitius, officier qui avait fait preuve de talents militaires.

Chapitre IX

(1) Telle était la situation des choses en Bretagne. L’Afrique, depuis l’avènement de Valentinien, était désolée par les barbares, dont les insolentes incursions y répandaient le meurtre et le pillage. Les maux du pays, fomentés par le relâchement de la discipline, étaient encore aggravés par la cupidité qui s’emparait de toutes les âmes, et dont le comte Romain donnait à tous l’exemple,

(2) tout en sachant rejeter sur d’autres l’odieux de ses exactions. Haï pour sa cruauté, cet homme l’était plus encore pour l’infâme calcul avec lequel il prenait les devants sur les ravages de la guerre, et mettait ensuite au compte de l’ennemi la spoliation de la province par ses propres mains. Ces déprédations étaient protégées par la connivence de son parent Rémige, maître des offices, qui avait l’art de présenter à Valentinien sous un jour tout différent la déplorable condition de l’Afrique, et qui, par ses rapports mensongers, sut longtemps mettre en défaut la pénétration dont se piquait le prince.

(3) Mon intention, du reste, est de réserver pour une relation spéciale et détaillée les circonstances du meurtre du président Rurice et des autres membres de l’ambassade, ainsi que d’autres scènes de sang dont ce pays fut alors le théâtre.

(4) Mais le temps de la vérité est venu : disons nettement toute notre pensée. Un des torts de Valentinien est d’avoir, au grand préjudice de l’État, donné le premier l’essor à l’arrogance de l’armée. Il prodigua trop de ce côté les richesses et les honneurs, et, ce qui n’est pas moins blâmable en morale qu’en politique, impitoyable à l’égard des simples soldats, il fermait les yeux sur les vices des chefs, qui dépassèrent bientôt toute mesure : aussi en sont-ils venus à se regarder comme disposant de toutes les fortunes.

(5) Les législateurs d’autrefois, au contraire, étaient en garde contre l’ambition et la prépondérance militaires, jusqu’au point même d’outrer l’application de la peine capitale, par l’application de ce principe inexorable qui, lorsqu’une multitude a failli, frappe l’individu innocent offert par le sort aveugle en sacrifice à la vindicte publique.

(6) À cette époque, des bandes d’Isauriens s’étaient jetées sur les villes et les riches campagnes de leur voisinage, et désolaient la Pamphylie aussi bien que la Cilicie, sans trouver de résistance