Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/290

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vives. Mais l’assassin, craignant que son crime ne fût découvert, se hâta de chercher l’impunité sur le territoire romain.

(5) Il allait s’ouvrir contre les Alamans une campagne plus sérieuse que les précédentes, et préparée avec maturité par une grande concentration de forces ; effort que commandait la sûreté de l’empire, gravement compromise par ce turbulent voisinage d’ennemis sans cesse renaissants. Nos soldats se montraient pleins d’ardeur, las qu’ils étaient de se voir tenus perpétuellement sur le qui-vive par cette nation, humble tantôt jusqu’à la bassesse, et tantôt poussant aux dernières limites l’insolence de ses déprédations.

(6) Le comte Sébastien reçut, en conséquence, l’ordre de concourir à l’expédition avec les troupes qu’il commandait en Italie et en Illyrie. Et, dès que l’hiver eut disparu, Valentinien et son fils, à la tête de nombreux bataillons amplement pourvus d’armes et de munitions de bouche, franchirent le Rhin sans trouver de résistance. On s’avança formant le carré, les deux empereurs au centre, et les généraux Jovin et Sévère sur les deux ailes, pour prévenir toute attaque en flanc.

(7) Précédée de guides sûrs pour éclairer sa marche, l’armée s’enfonçait dans de vastes solitudes. À chaque pas l’excitation du soldat semblait s’accroître, et on l’entendait frémir de courroux, comme s’il eût rencontré l’ennemi. Plusieurs jours se passèrent ainsi, et, ne trouvant rien à combattre, on incendiait les maisons et les cultures ; épargnant seulement les vivres, que l’incertitude de la situation conseillait de recueillir et de conserver.

(8) L’empereur, après cette exécution, continua sa marche, mais en ralentissant le pas, jusqu’à ce qu’il eût atteint un lieu nommé Solicinium. Là il s’arrêta court comme devant une barrière, averti par ses éclaireurs que l’ennemi était en vue à quelque distance.

(9) Les barbares avaient compris que leur chance unique de salut était de reprendre l’offensive ; et d’un commun accord ils s’étaient postés sur le point culminant d’un groupe de hautes montagnes composé de plusieurs pics escarpés et inaccessibles, excepté par le versant du nord, dont la pente est douce et facile. Nos lignes plantèrent leurs enseignes, et firent entendre le cri "Aux armes ! " mais, sur l’ordre de l’empereur, se tinrent immobiles, attendant que l’étendard levé leur donnât le signal. Cette preuve de discipline était déjà un gage de succès.

(10) Cependant l’impatience du soldat d’un côté, et les horribles clameurs des Alamans de l’autre, comportaient peu ou plutôt ne comportaient pas de délibération. Sébastien dut occuper d’urgence le revers septentrional de la montagne ; manœuvre qui lui donnait bon marché des fuyards, au cas où les Germains auraient le dessous. Gratien, trop jeune encore pour les fatigues et les dangers d’une bataille, eut sa place marquée à l’arrière-garde, près des enseignes des Joviens. Après ces premières. dispositions, Valentinien, en général consommé, passa, tête nue, l’inspection des centuries et manipules. Puis, sans faire part aux chefs de son dessein, il renvoie son escorte, ne gardant près de lui que quelques hommes de dévouement et de ressources, et court avec eux reconnaître en personne les bases de la montagne. Il se faisait