Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/297

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maître des offices, un brigand pannonien, spoliateur de tombeaux, qui portait écrite la soif du sang sur son museau de bête fauve.

(13) L’arrivée d’un si digne auxiliaire, et les termes flatteurs dans lesquels était notifiée à Maximin cette augmentation de son pouvoir, exaltèrent encore chez lui le génie du mal. Dans l’ivresse de sa joie, il ne pouvait tenir en place, et se croyait sans doute la faculté des brahmanes pour marcher en l’air, car il semblait que la terre ne fût plus digne de le porter.

(14) Le signal des meurtres judiciaires était donné ; une profonde terreur glaçait toutes les âmes. Parmi les condamnations, dont le nom et la variété sont infinis, il y en eut de cruelles et d’atroces : celle de l’avocat Marin en première ligne, contre qui fut prononcée la peine de mort à peu près sans débats, pour avoir usé de pratiques illicites afin d’obtenir la main d’une femme nommée Hispanilla.

(15) Il se peut que des témoins oculaires, annotateurs scrupuleux, m’accusent ici d’omission ou d’interversion des faits et des dates. À cet égard je ne me pique pas d’une rigoureuse exactitude, et ne vois aucun intérêt à enregistrer par ordre les souffrances et les noms inconnus de toutes les victimes. Les documents d’ailleurs feraient défaut même à qui compulserait les archives publiques tant la fureur des bourreaux, la perturbation des principes de justice et des formes légales ont été poussées au-delà de toute mesure. Ce qu’on avait le plus à craindre, en effet, n’était pas d’être mis en jugement, mais bien de n’être pas jugé.

(16) Le sénateur Céthégus, sur la simple prévention d’adultère, eut la tête tranchée. Alypius, jeune homme de noble famille, paya de l’exil je ne sais quelle peccadille. D’autres moins distingués passèrent en foule par les mains du bourreau. Chacun, dans leur sort, croyait voir celui qui lui était réservé ; on ne rêvait plus que chaînes, cachots, exécution capitale.

(17) Ce même temps vit le procès de l’honnête Hymétius. Voici ce que j’ai pu savoir de cette affaire : cette fois les formes juridiques ne furent pas épargnées. Durant son proconsulat en Afrique, une disette s’étant fait sentir à Carthage, Hymétius avait fait ouvrir aux habitants les greniers affectés à l’approvisionnement de Rome, et avait profité d’une bonne récolte subséquente pour rétablir en magasin une quantité de grains égale à celle qu’il avait fait sortir.

(18) Comme le froment avait été livré à la consommation locale sur le pied d’un écu d’or les dix boisseaux, et racheté au taux d’un écu d’or les trente, l’opération présentait au profit du trésor une différence qu’il y fit verser. Hymétius fut toutefois soupçonné par Valentinien d’un détournement sur le bénéfice, et il subit la confiscation d’une partie de ses biens.

(19) Sa position fut encore aggravée par une funeste coïncidence. En même temps que lui, Amantius, l’haruspice le plus en réputation de l’époque, était traduit en justice sur une délation anonyme, comme ayant été appelé en Afrique par Hymétius pour faire un sacrifice dans des vues criminelles. La torture ne put tirer de lui que des dénégations.

(20) Une perquisition dans ses papiers fit alors découvrir un écrit de la main d’Hymétius, où l’haruspice était invité à employer les formes religieuses de supplications, pour adoucir à son