Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/298

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égard les deux empereurs. Mais l’écrit se terminait par d’amères récriminations sur l’avarice et la dureté de Valentinien.

(21) Les juges en référèrent au prince, ne manquant pas d’exagérer la portée de la découverte, et reçurent bientôt, en retour, l’ordre de pousser avec vigueur l’information. En conséquence, Frontin, conseiller d’Hymétius, convaincu par son propre aveu d’avoir prêté son ministère pour la rédaction de la pièce, fut, pour ce fait seul, battu de verges et relégué en Bretagne. Les charges contre Amantius parurent motiver une condamnation capitale, et il y succomba.

(22) De ce moment le vice-préfet Maximin cessa de connaître de l’affaire, qui fut évoquée par le préfet Ampélius ; et l’accusé principal, transféré à Otricoli, eut à répondre devant la juridiction supérieure. On le regardait comme un homme perdu ; mais le droit qu’il fit valoir d’être jugé par l’empereur lui-même devint son salut.

(23) Valentinien le renvoya devant le sénat, qui examina l’affaire sans passion, et ne prononça contre lui qu’un simple exil à Boas en Dalmatie. Cet adoucissement de sentence, en faveur d’un homme dont il avait juré la mort, jeta le prince dans un accès de fureur.

(24) Chacun put voir par cet échantillon le sort qui l’attendait lui-même. L’alarme devint générale. Le mal ne faisait encore que couver ; mais, protégé par le silence public, il allait s’étendre, et menaçait d’une conflagration universelle. Le sénat arrêta qu’une députation composée de Prétextat, ex-préfet de Rome, Vénuste, ex-lieutenant, et de Minervius,ex-consulaire, irait supplier l’empereur de rétablir la juste proportion entre les délits et les peines, et de révoquer la faculté illégale et inouïe d’appliquer les sénateurs à la torture.

(25) Le premier mouvement de Valentinien, lorsque ces doléances lui furent apportées en plein conseil, fut de crier à la calomnie, prétendant n’avoir jamais autorisé de telles mesures. En quoi il fut respectueusement contredit par Eupraxe, dont la liberté courageuse fit revenir le prince sur cette énormité sans exemple.

(26) Maximin pendant ce temps faisait sérieusement le procès à un véritable enfant, le jeune Lollien, fils de l’ex-préfet Lampade, dont tout le crime était d’avoir copié, sans discernement, un recueil de formules magiques. Personne ne doutait que Lollien n’en fût quitte pour un exil ; mais il fit la faute, par le conseil de son père, d’en appeler à l’empereur, et fut transféré à la cour. C’était, comme on dit, se mettre au feu, de peur de la fumée. Effectivement il est livré au jugement du consulaire Phalange, et sa tête tombe sous le fer.

(27) Tarracius Bassus, qui fut depuis préfet de Rome, son frère Caménius, Marcien et Eusaphe, tous quatre clarissimes, se virent enveloppés dans une même accusation, celle d’avoir favorisé le cocher Auchénius au moyen de sortilège. Mais l’insuffisance des preuves et, si l’on en croit le bruit public, le crédit de Victorin, tout ami qu’il était de Maximin, procurèrent leur acquittement.

(28) Le sexe même n’était pas épargné dans ce débordement d’assassinats juridiques. Plus d’une femme de noble maison périt sous l’imputation d’adultère ou d’inceste. Les plus notables sont Claritas et Flaviana, dont la première fut conduite au supplice dépouillée de ses vêtements,