Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/30

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ils députèrent les principaux d’entre eux pour implorer la clémence de l’empereur et obtenir la paix. Les envoyés des deux rois furent reçus ; et, après un mûr examen de leurs propositions, le conseil fut unanime pour la paix, dont les conditions semblaient raisonnables. Constance alors convoqua l’armée, et du haut de son tribunal, entouré de ses grands dignitaires, prononça cette courte allocution :

« Qu’on ne se hâte point de trouver étrange que, parvenu au terme de si longues marches, disposant d’immenses approvisionnements, ayant tout lieu, comme je le fais, de compter sur mon armée, je puisse, au moment où nous foulons du pied le sol des barbares, changer de dessein, et revenir subitement à des idées de paix. Chacun de vous comprendra, s’il veut bien réfléchir, que le soldat, quelle que soit sa valeur individuelle, n’a que lui seul à considérer et à défendre ; au lieu que l’empereur, qui veille sur les intérêts de tous, dont le dépôt est entre ses mains, connaît seul le fort et le faible de la chose publique, et seul, avec l’aide divine, peut appliquer sûrement au mal le remède. Prêtez-moi donc, braves compagnons, une oreille favorable. Je veux vous dire pourquoi je vous ai convoqués, et vous le dire en peu de mots. La vérité se montre sobre de paroles, et son langage va droit au but. La renommée a fait retentir votre gloire jusque dans les contrées qui touchent aux extrémités du monde. La nation des Allemands et ses rois s’en alarment ; vous voyez leurs députés devant vous. Ils viennent, au nom de leurs compatriotes, nous supplier humblement d’oublier le passé, et de mettre fin à la guerre. Partisan comme je le suis de la modération et des conseils prudents et utiles, je pense qu’il est bon d’accéder à leurs prières. J’y vois de nombreux avantages. Nous évitons par là les chances toujours périlleuses des combats ; d’adversaires qu’ils étaient, nous allons avoir, suivant leur promesse, les Allemands pour auxiliaires ; nous apprivoisons, sans qu’il en coûte de sang, cette férocité si redoutable à nos provinces. Songez-y bien : on peut vaincre ailleurs que sur un champ de bataille, sans bruit de clairon, sans mettre le pied sur son ennemi ; et cette domination est la plus sûre qu’on accepte, après expérience, de son énergie quand on lui résiste, de sa mansuétude quand on se soumet. En résumé, j’attends votre décision comme arbitres ; je l’attends en prince ami de la paix, et qui tient à montrer sa modération plus qu’à profiter de ses avantages. C’est aussi le parti que la raison vous conseille ; et nul, croyez-moi, ne vous accusera d’avoir manqué de cœur, parce que vous aurez été généreux et humains ».

A peine l’empereur eut cessé de parler, que la multitude, empressée de lui complaire, témoigne unanimement son approbation du discours, et se prononce pour la paix. Le rapprochement que voici contribua surtout à ce résultat : on avait remarqué que dans les fréquentes prises d’armes de son règne, Constance, toujours favorisé par la fortune contre les ennemis du dedans, n’avait guère éprouvé que des revers en présence de ceux du dehors. Le traité fut donc conclu sui-