Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/327

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lorsqu’elle eut déchiré et enseveli dans ses flancs suffisamment de corps humains, fut rendue, comme ayant bien mérité de lui, à la liberté des forêts.

Chapitre IV

(1) Ces exemples ne signalent que trop Valentinien comme sanguinaire par inclination et par principe ; mais la critique la plus malveillante ne saurait mettre sa capacité en doute. II faut reconnaître qu’il eût fait moins peut-être pour la sûreté de l’État par le gain de plusieurs batailles, que par ce rempart armé qu’il sut opposer aux entreprises des barbares. L’ennemi ne pouvait faire un mouvement sans être découvert de quelqu’une de ces forteresses, et aussitôt refoulé qu’aperçu.

(2) La plus vive préoccupation de Valentinien, au milieu des soins du gouvernement, était, à l’exemple de ce qu’avait fait Julien à l’égard de Vadomaire, de s’assurer, par force ou par ruse, de la personne du roi Macrien. La puissance de ce prince avait grandi par nos hésitations prolongées ; et déjà il se sentait assez fort pour se poser ouvertement en ennemi. D’abord Valentinien prit son temps et ses mesures, obtint par des transfuges des indications nécessaires pour le succès d’une surprise. Puis, avec toutes les précautions possibles pour tenir son projet secret et prévenir tout contre-temps, il jeta un pont de bateaux sur le Rhin.

(3) Sévère, qui commandait l’infanterie, s’avança jusqu’aux Aquae Mattiacae, où il s’arrêta court, effrayé de son isolement, et de la possibilité de se voir enveloppé avec si peu de forces.

(4) Il se trouvait là de ces marchands qui trafiquent de butin et d’esclaves avec les armées. Il les fit tous tuer, et s’empara de leur dépouille, de crainte que la marche ne fût ébruitée par eux.

(5) L’arrivée du reste des troupes rassura bientôt cette avant- garde. On campa à la hâte,et comme on put, pour une nuit, personne n’ayant même un cheval de bagage ; et tous se passèrent de tente, excepté l’empereur, à qui l’on improvisa un couvert avec des morceaux de tapisserie. Dès le jour on reprit la marche, que Théodose fut chargé d’éclairer avec la cavalerie. Les contre-temps vinrent des soldats, que l’empereur, malgré ses défenses réitérées, ne put empêcher de piller et de brûler. Les gardes de Macrien, réveillés par les clameurs et le bruit des flammes, se doutèrent du coup de main projeté, placèrent leur roi sur un char rapide, et disparurent avec lui dans les anfractuosités des montagnes.

(6) Valentinien se vit ainsi frustré de l’honneur qu’il comptait tirer de cette entreprise ; et cela, non par sa faute ou celle de ses généraux, mais par l’effet de cette indiscipline qui compromit si souvent le succès des armes romaines. Pour s’en venger, il ravagea le territoire ennemi dans une étendue de cinquante milles, et revint â Trèves la rage au cœur.

(7) Là, tout en frémissant comme un lion à qui viennent d’échapper le cerf et le chevreuil dont il croyait faire sa proie, il profita de l’épouvante sous l’influence de laquelle s’étaient dispersées les forces des barbares, pour remplacer Macrien par Fraomaire, comme roi des Bucinobantes, peuple alaman voisin de Mogontiacum. Plus tard, une incursion ayant dévasté les possessions de ce prince, il l’envoya en Bretagne avec le grade de tribun, et le mit à la tête d’un corps de ses compatriotes, qui se distinguait dans nos rangs par sa bravoure. Il donna aussi des commandements à deux autres chefs de cette nation, Bithéride et Hortaire. mais,