Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/329

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(8) Une rumeur vague avait devancé près de Firmus l’annonce officielle de l’arrivée de Théodose. Il s’émut de l’importante renommée d’un tel adversaire, et se hâta de lui écrire et de solliciter, par l’entremise d’une députation, l’oubli de ce qui s’était passé. Il reconnaissait sa résolution comme coupable, mais elle n’avait pas été spontanée : il s’était vu poussé à la défection par l’injustice, et il offrait d’en donner la preuve.

(9) Théodose accepta cette apologie, promit d’entrer en négociation aussitôt que Firmus aurait livré des otages, et partit pour la station de Pancharia, où il avait donné rendez- vous aux légions d’Afrique, afin de les passer en revue. Quelques mots, prononcés avec une noble et modeste assurance, suffirent pour relever leur courage. Théodose revint ensuite à Sitifis, où il opéra la réunion au corps expéditionnaire de toutes les forces militaires du pays ; et, impatient déjà des délais de Firmus, il ouvrit la campagne.

(10) Entre autres bonnes mesures, il en prit une surtout qui lui conciliait une affection sans bornes. Il avait supprimé toute concession de vivres à ses troupes de la part de la province, déclarant, avec une confiance généreuse, que ses soldats, pour leur subsistance, ne devaient compter que sur les moissons et les magasins de l’ennemi.

(11) Et il tint parole, à la grande satisfaction des propriétaires du sol. Théodose partit ensuite pour Tubusuptum, ville au pied du mont Ferratus, où il refusa de recevoir une seconde députation de Firmus, qui se présentait sans les otages convenus. De là, s’étant fait rendre compte, autant que le temps le permettait, de l’assiette du pays, il se porta rapidement contre les tribus des Tyndenses et des Massissenses, qui ne sont armées qu’à la légère, et que commandaient Mascizel et Dius, frères de Firmus.

(12) Dès qu’on eut en vue ces ennemis si difficiles à joindre, des volées de traits s’échangèrent, puis une furieuse mêlée s’engagea. Au milieu de ce cri de douleur qui s’élève d’un champ de bataille, dominait le lamentable hurlement des barbares blessés ou faits prisonniers. Le ravage et l’incendie de la contrée furent les suites de notre victoire.

(13) Le domaine de Pétra notamment, à qui son propriétaire Salmaces, l’un des frères de Firmus, avait donné presque les proportions d’une ville, fut détruit de fond en comble. Le vainqueur, animé par ce premier succès, s’empare avec une célérité merveilleuse de la ville de Lamfoctensis, au cœur même des peuplades qui venaient d’être défaites, et y forme aussitôt un approvisionnement considérable. Il voulait, avant de s’avancer dans l’intérieur, se ménager des magasins à sa portée, au cas où il ne trouverait devant lui qu’un pays affamé.

(14) Durant cette opération, Mascizel, qui était parvenu à se recruter chez les tribus voisines, vint de nouveau fondre sur nous, fut repoussé avec grande perte, et ne dut lui-même la vie qu’à la bonté de son cheval.

(15) Firmus, non moins troublé qu’affaibli par ce double échec, eut encore recours aux négociations comme dernière ressource. Des évêques vinrent de sa part implorer la paix et livrer des otages. Pour répondre au bon accueil qui leur fut fait, ils promirent, suivant leurs instructions, des vivres tant qu’il en faudrait, et remportèrent une réponse favorable. Le prince maure, alors un peu rassuré, vint lui-même, précédé par des présents, s’aboucher avec le général. Il s’était pourvu d’un coursier qui pût le tirer d’affaire au besoin. Frappé, en approchant, de l’aspect