Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/335

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comme un troupeau. Firmus, dans ce désordre, aurait trouvé moyen de s’évader, et de s’assurer peut-être une retraite inconnue au sein des montagnes, si Igmacen ne l’eût fait arrêter au moment où il allait s’enfuir.

(54) Alors Firmus, à qui Masilla avait déjà fait entrevoir qu’Igmacen était d’intelligence avec Théodose, comprit qu’il ne lui restait d’autre ressource que de se donner la mort. Une nuit, où l’anxiété ne lui permettait pas de fermer l’œil, après s’être à dessein plongé dans l’ivresse, il prit le moment où ses gardes étaient profondément endormis, et s’échappa sans bruit de son lit, en s’aidant des pieds et des mains. Le hasard lui fit trouver à tâtons une corde, dont il se servit pour se pendre à un clou qui se trouva dans la muraille, et il mourut ainsi sans longues souffrances.

(55) Ce suicide contraria vivement Igmacen, qui s’était flatté de l’honneur de conduire vivant le rebelle au camp romain. Il fit néanmoins charger le cadavre sur un chameau ; et, pourvu d’un sauf-conduit par les soins de Masilla, il s’achemina en personne vers les tentes romaines, près du fort de Subicare. Là le corps fut mis sur un cheval et présenté à Théodose, qui en reçut l’hommage avec transport.

(56) Les soldats et le peuple furent appelés à déclarer s’ils reconnaissaient bien les traits de Firmus. II n’y eut qu’une voix pour l’affirmative. Théodose, après cet événement, ne fit pas un long séjour à Subicare. Il revint à Sitifis comme en triomphe, et y fut reçu aux acclamations des divers ordres et de la population entière.

Chapitre VI

(1) Tandis que Théodose poursuivait sa laborieuse campagne au milieu des sables de la Maurétanie et de l’Afrique, un soulèvement inopiné s’opérait chez les Quades, nation qui, à voir sa faiblesse aujourd’hui, laisse à peine deviner quels furent jadis son esprit belliqueux et sa puissance : témoin la hardiesse et la promptitude de ses succès, son siége audacieux d’Aquilée avec les Marcomans ; témoin le sac d’Opitergium, et cette sanglante invasion qui rompit la barrière des Alpes Juliennes, et fut à peine contenue par le génie de Marc Aurèle. Leur prise d’armes, cette fois, avait une cause légitime.

(2) Valentinien, dès qu’il fut sur le trône, épris de l’idée grande, mais qu’il poussa jusqu’à l’excès, de donner à l’empire une frontière fortifiée, étendit la ligne de ces travaux par-delà le Danube, et donna l’ordre d’élever des retranchements jusque sur le territoire quand, comme s’il eût appartenu aux Romains. Le sentiment national chez ce peuple en fut blessé, sans toutefois s’exprimer autrement que par des murmures contenus ou par des réclamations officielles.

(3) Mais Maximin, qui ne cherchait qu’à nuire, et dont l’arrogance s’était encore accrue au milieu des honneurs de la préfecture, s’avisa de taxer Équitius, qui commandait alors en Illyrie, de mollesse et de désobéissance, à propos de ce que les ouvrages n’étaient pas encore terminés. Il fallait, disait- il, ne considérer que le bien de l’État, et donner à son jeune Marcellien le titre et le pouvoir de duc de Valérie : on verrait alors le plan de l’empereur s’exécuter sans plus de retard. Le double vœu s’accomplit.

(4) Son fils eut la nomination, se rendit sur les lieux ; et ce digne héritier de l’insolente paternelle, sans même user, avec ceux qui se voyaient dépossédés par cette prétention exorbitante et insolite, du moindre adoucissement de langage, fit reprendre sur-le-champ les travaux, qu’on avait un moment suspendus pour