Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/354

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glisser, des préoccupations du pouvoir nouveau.

À la guerre, il joignait à la prudence l’esprit le plus fécond en ressources pour l’attaque ou pour la défense, avec une santé endurcie contre toute fatigue, un discernement sûr de ce qu’il fallait faire ou éviter, et l’attention la plus scrupuleuse à tous les détails du service.

Il écrivait avec convenance, et savait agréablement peindre et modeler. Il y a des armes de forme nouvelle dont il a donné le dessin. Sa mémoire était excellente. Il discourait peu, mais sa parole était animée et presque éloquente. Amoureux de la propreté, il n’était pas ennemi du plaisir de la table ; mais il y voulait du choix, et en bannissait la profusion.

C’est l’honneur de son gouvernement d’avoir fait régner la tolérance. Il sut tenir une balance exacte entre les sectes différentes, n’inquiéter aucune conscience, ne prescrire aucune formule, n’imposer à personne le dogme auquel il inclinait. Telle, en un mot, il avait trouvé la chose religieuse à son avènement, telle il la laissait après lui.

Son corps était musculeux et robuste. Il avait la chevelure blonde, le teint frais, les yeux bleus, le regard oblique et dur. Mais la dignité de sa taille et les belles proportions de toute sa personne répondaient à la majesté de son rang.

X. Les rites funèbres accomplis, le corps fut embaumé et envoyé à Constantinople, où sa cendre devait reposer près de ses prédécesseurs. L’expédition resta suspendue ; et l’on n’était pas sans inquiétude sur les dispositions des cohortes gauloises, dont la fidélité, rarement assurée au souverain légitime, se constitue souvent arbitre des choix. Les circonstances paraissaient se prêter à quelque mouvement ; car Gratien, dans l’ignorance du grave évènement survenu, ne bougeait pas de Trèves, où son père lui avait signifié d’attendre son retour. L’émotion de chacun, dans cette situation critique, était celle de passagers sur un même navire, qui sentent leur sort attaché à celui du bâtiment. Les chefs de l’armée résolurent alors de rompre le pont que la nécessité avait fait construire pour passer sur le territoire ennemi, et de faire tenir à Mérobaud, de la part de Valentinien, comme si ce dernier fût encore en vie, l’ordre de se rendre aussitôt au quartier général. La pénétration de Mérobaud lui fit deviner le réel état des choses ; ou peut-être en fut-il instruit par le porteur du message. Comme il se défiait des milices gauloises, il feignit d’avoir reçu l’ordre de les ramener sur le Rhin pour observer les barbares, qui recommençaient à remuer ; et, en conformité d’une injonction secrète, il donna quelque mission lointaine à Sébastien, homme, il est vrai, d’un caractère doux et modéré, mais grandement porté par la faveur militaire, et, par ce motif, considéré comme très dangereux.

À l’arrivée de Mérobaud on s’occupa sérieusement des mesures à prendre, et il fut bientôt décidé que Valentinien, fils du défunt empereur, et qui n’avait alors que quatre ans, serait élevé à l’empire. L’enfant était avec sa mère Justine dans le domaine appelé Murocincta, à la distance d’environ cent milles. Un consentement unanime ayant ratifié ce choix, Céréalis, oncle du jeune empereur, fut aussitôt chargé de l’amener au camp dans une litière ; et six jours après la mont de son père il fut salué Auguste dans les formes. On appréhendait d’abord que Gratien