Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’affectation à se modeler sur ceux de ses prédécesseurs qui avaient conservé dans leur personne les habitudes républicaines ? Son pouvoir en effet eût-il embrassé ces mondes sans nombre imaginés par Démocrite, et dont la pensée mortifiante, suscitée chez Alexandre par les sarcasmes d’Anaxagore, poursuivait le conquérant jusque dans ses rêves ; encore lui eût-il fallu ne vouloir rien lire et se boucher les oreilles, ou reconnaître avec tout le monde (car c’est un axiome vulgaire en physique) que cette terre, qui nous paraît sans bornes, n’est qu’un point dans l’immensité.

II. La catastrophe déplorable de Gallus fut le signal de nouvelles persécutions judiciaires. L’envie, ce fléau de tout ce qui est bon, de plus en plus acharnée sur Ursicin, parvint à susciter contre lui une accusation de lèse-majesté. Le grand danger de sa position était dans le caractère de l’empereur, obstinément prévenu contre toute justification franche et loyale, et toujours prêt à accueillir les secrètes insinuations de la calomnie. « Le nom de Constance, disait-on, n’était plus même prononcé en Orient. Pour gouverner comme pour combattre, tous les vœux appelaient Ursicin ; lui seul était capable de tenir les Perses en respect. » Impassible et résignée, cette grande âme, au milieu de ces périls, ne songeait qu’à maintenir sa dignité intacte. Mais ce n’était pas sans gémir intérieurement de la faible protection que trouve un homme de bien dans son innocence. Sa grande affliction était de voir ses amis, naguère si empressés autour de lui, se ranger du côté de la faveur, comme des licteurs passent, suivant le cérémonial, du fonctionnaire sortant au nouveau titulaire. Son collègue Arbétion lui portait les plus rudes coups, tout en affichant pour lui la plus vive sympathie, par les louanges qu’il donnait publiquement à son caractère. Arbétion était singulièrement habile à ourdir des trames contre les gens de bien, et son crédit était immense. Sa manœuvre était celle du serpent, qui, de son ténébreux repaire, guette le passant pour s’élancer sur lui à l’improviste. Ce simple soldat, parvenu aux premières diguités militaires, qui n’avait point de provocations à repousser, point d’injures à venger, n’en était pas moins dévoré d’une insatiable envie de nuire. Il fit si bien que, dans un conseil secret présidé par l’empereur, et où les plus intimes confidents furent seuls admis, on décida qu’Ursicin serait enlevé de nuit, et, sans autre forme de jugement, mis à mort loin des yeux de l’armée. C’est ainsi, dit-on, qu’un autre défenseur de l’empire, également habile et irréprochable, Domitius Corbulon, disparut au milieu de l’orgie sanglante du règne de Néron. On n’attendait pour exécuter ce plan qu’un moment favorable ; mais dans l’intervalle il y eut un retour aux idées de modération, et l’on jugea devoir remettre l’affaire en délibéré avant de passer outre.

Tous les efforts de la calomnie se tournèrent alors contre Julien, qui, dans la suite, rendit son nom si célèbre. On crut avoir découvert deux chefs d’accusation contre lui. En premier lieu, il avait quitté sa retraite forcée de Macellum en Cappadoce. Entraîné par ses goûts scientifiques, il avait fait effectivement une excursion en Asie. Second grief. il s’était trouvé à Constantinople sur le passage de son frère. Sa justification fut