Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/47

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sertion, un fait constaté par des témoins nombreux. C’est que, cinq jours avant de revêtir les insignes du pouvoir suprême, Silvain, faisant payer la solde aux troupes, avait, au nom de Constance, exhorté les soldats à se montrer courageux et fidèles. Nul doute que si dans ce moment la pensée de l’usurpation eût été dans son cœur, il n’eût distribué qu’en son propre nom une somme aussi considérable. Procule acquitté, Poeménius fut trainé au supplice. Nous avons déjà raconté comment ce dernier fut choisi pour chef par le peuple de Trèves, quand il ferma ses portes au César Décence. Vinrent ensuite successivement les exécutions des comtes Asclépiodote, Lutus, Maudion, et celles d’une foule d’autres ; tous actes caractéristiques de cette époque d’inflexible cruauté.

VII. Dans le temps que sévissait cette tourmente d’assassinats juridiques, la ville éternelle avait pour préfet Léonce, que recommandaient comme magistrat plusieurs qualités estimables facilité d’accès, impartialité rigoureuse, caractère bienveillant. On lui reprochait toutefois un peu de roideur dans l’exercice du pouvoir, et trop de penchant à l’amour. Il s’éleva contre lui une sédition, dont la cause première était ce qu’il y a de plus frivole et de plus futile. II avait donné l’ordre d’arrêter le cocher Philocome : le peuple à l’instant s’ameute pour son favori, et se porte contre le préfet à des démonstrations de fureur. On comptait l’intimider ; mais il resta ferme et imposant, et fit saisir par ses appariteurs quelques-uns des mutins, qui furent battus de verges et déportés, sans que nul osât proférer un mot ou faire mine de résistance.

Quelques jours après cependant, le peuple, toujours en fermentation, s’étant, sous prétexte d’une disette de vin, attroupé au Septizone (Septemzodium), quartier des plus fréquentés, où l’empereur Marc-Aurèle a fait élever à si grands frais le magnifique édifice du Nymphée, le préfet s’y porta résolûment de sa personne. Tout son entourage, fonctionnaires et officiers, le suppliait de ne se point commettre avec une multitude égarée et menaçante, qui avait contre lui une cause récente d’irritation ; mais ils s’adressaient à un homme inacessible à la peur. Léonce marcha droit au rassemblement, sans tenir compte de l’affaiblissement de son escorte, dont une partie déserta ses côtés en le voyant, de gaieté de cœur, affronter un péril si manifeste. Assis tranquillement sur son char, il promène un regard assuré sur les masses tumultueuses qui l’environnent, et dont l’agitation convulsive semble celle d’un nid de serpents. D’injurieuses vociférations éclatent ; il les endure avec sang-froid. Tout à coup, apostrophant au milieu de la foule un individu remarquable par sa stature athlétique et ses cheveux roux, il lui demande s’il n’est pas Pierre Valvomère ? A quoi celui-ci répond, d’un ton insolent, que c’est bien lui. Alors le préfet, à qui de longue main cet homme était signalé comme drapeau de sédition, le fit garrotter, les mains derrière le dos, et fustiger en dépit des clameurs que l’ordre ne manqua pas d’exciter. Mais on n’eut pas plutôt vu Valvomère au poteau, que, malgré ses appels réitérés à la compassion de ses camarades, la foule, si compacte naguère, s’évanouit en un clin d’œil par les rues adjacentes ; et ce dangereux promoteur de troubles se vit labourer les flancs, sans plus d’opposition que si tout se fût passé dans le secret du cabinet d’un