Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/59

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et par Ursicin lui-même, qui avait ordre de rester dans les Gaules jusqu’à la fin de la campagne.

On délibéra longtemps sur le plan qu’on devait suivre. Enfin il fut arrêté qu’on attaquerait les Allemands dans la direction des dix bourgs (decem pagos)[1], et l’armée s’ébranlait joyeuse de ses bataillons grossis. Tout à coup les barbares, dont les mouvements étaient favorisés par un brouillard impénétrable, profitant de la connaissance qu’ils avaient du terrain, se portèrent par un circuit sur les derrières de César, et auraient écrasé deux légions qui formaient l’arrière-garde, si les cris de détresse n’eussent attiré le corps auxiliaire à leur secours. Julien, depuis cette alerte, fut dans l’appréhension continuelle de quelque embûche à chaque incident de la route, au passage de chaque rivière. Il en devint plus prudent, plus circonspect ; le premier de tous les mérites dans l’homme chargé du commandement suprême, et la meilleure des garanties pour ceux qui combattent sous lui.

Il fut alors informé qu’Argentoratum[2], Brocomagum[3], les Trois tavernes[4], Salizon[5], les Némètes[6], Vangion[7] et Moguntiacum[8], étaient entre les mains des barbares ; mais que ceux-ci n’en occupaient que les dehors, par la peur qu’ils ont du séjour des villes ; regardées par eux comme autant de tombeaux où l’on s’enterre tout vivant. Julien s’empara d’abord de Brocomagum. Un corps germain s’y était porté à sa rencontre ; pour le recevoir il forma son armée en croissant, enfermant des deux côtés l’ennemi, qui lécha pied au premier choc. On en prit ou tua une partie dans la première chaleur de l’action. Le reste dut son salut à la fuite.

III. Aucun obstacle ne fermait plus à l’armée le chemin de cette ville d’Agrippine[9], dont le désastre avait précédé l’arrivée de Julien dans les Gaules ; il voulut la reprendre aux barbares. L’œil ne rencontre dans ces quartiers d’autre point fortifié que Ricomagum[10], bâtie au lieu qu’on appelle Confluent, parce que c’est là que s’opère la jonction du Rhin et de la Moselle, et une tour à peu de distance d’Agrippine. Il rentra donc dans cette ville, dont il ne sortit plus, une fois qu’il en eut repris possession, qu’après avoir fait souscrire aux rois francs, rendus traitables par la peur, une convention dont l’État recueillit plus tard les fruits, et après avoir mis la ville elle-même sur un pied de défense respectable. Satisfait de cet heureux début de ses armes, il alla ensuite hiverner à Sens, au pays des Trévires, résidence assez agréable à l’époque dont nous parlons. Ici lui tomba sur les bras, pour s’exprimer ainsi, tout le fardeau d’une guerre générale ; et il dut se multiplier pour répondre aux exigences d’une telle situation. Il s’agissait à la fois de regarnir de postes militaires tous les points menacés, de rompre le concert de tant de nations liguées contre le nom romain, et enfin d’assurer, dans le cercle d’opération le plus étendu, la subsistance de toute une armée.

IV. Au plus fort de cette contention d’esprit, une multitude d’ennemis vint l’assaillir, dans l’espoir d’emporter la place d’un coup de main. Cette audace leur était inspirée par l’absence des scutaires et des gentils, qu’on avait été contraint, pour diviser la charge des subsistances, de répartir dans diverses villes municipales… Julien fit fermer les portes, réparer les fortifications ; et jour et nuit on le vit mêlé aux soldats, sur les

  1. Dieuze.
  2. Strasbourg.
  3. Brumath.
  4. Saverne.
  5. Seltz.
  6. Spire.
  7. Worms.
  8. Mayence.
  9. Cologne.
  10. Rheimagen.