Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/60

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murs, entre les créneaux, et frémissant de courroux de l’impuissance où il se trouvait de risquer une sortie avec une garnison ainsi réduite. Le trentième jour, les barbares, découragés, levèrent le siège, murmurant contre le fol espoir qui le leur avait fait entreprendre. Il faut signaler ici, comme tout à fait dans l’esprit du temps, la conduite du général de la cavalerie Marcel, qui, bien que cantonné tout près de là, laissa César dans le danger, sans lui porter le moindre secours ; lui pour qui c’était un devoir rigoureux de tenter une diversion, ne fût-ce que pour épargner à la place les maux d’un siège, et lors même qu’un prince n’y eût pas été renfermé ! Aussitôt délivré de cet embarras, Julien, dont la pensée était toute au bien-être de ses soldats, s’empressa de leur procurer un temps de repos suffisant, quoique bien court, pour réparer leurs forces après tant de fatigues. Sa sollicitude, en cette occasion, eut à lutter contre la rareté des vivres dans un pays tant de fois dévasté ; mais il surmonta cet obstacle par son active intelligence, et par la confiance qu’il savait inspirer à tous d’une meilleure condition dans un prochain avenir.

V. Il commença, et l’effort vaut qu’on le cite, par s’imposer et observer rigoureusement une règle de tempérance aussi sévère que s’il eût vécu sous le régime abstème des lois de Lycurgue et de Solon ; lois importées depuis, et longtemps en vigueur à Rome, et que le dictateur Sylla releva de désuétude. Julien pensait, avec Démocrite, que si la fortune permet le luxe de la table, la raison le proscrit. Idée morale non moins heureusement exprimée dans ce mot de Caton de Tusculum, surnommé le Censeur, à cause de la rigidité de ses mœurs : « Un goût prononcé pour la bonne chère suppose indifférence complète pour la vertu. »

Julien relisait souvent un recueil d’instructions que Constance, en qualité de beau-père, lui avait tracé de sa main, et où l’ordinaire du jeune César était réglé avec une sorte de profusion. Julien en fit disparaître les articles faisan, vulve et tétines de truie, se contentant, comme un simple soldat, du premier aliment venu.

Il faisait trois parts de ses nuits, consacrant la première au repos, et les deux autres aux affaires de l’État et aux Muses. En cela il imitait Alexandre le Grand, mais en renchérissant sur son modèle. Alexandre ne triomphait du sommeil qu’au moyen d’une boule d’argent qu’il tenait suspendue au-dessus d’un bassin de cuivre, et qui l’éveillait en tombant, dès que l’assoupissement détendait ses muscles. Julien, lui, se réveillait à volonté sans l’emploi d’aucun artifice. Il se levait toujours au milieu de la nuit, quittant, non pas un lit de duvet recouvert de housses de soie chamarrées, mais une couche formée d’un simple tapis de peau à longs poils, de ceux qui ont reçu le nom de sisurne dans le langage familier du peuple. Puis, après les actes d’un culte secret envers Mercure, dieu considéré, suivant certaine doctrine religieuse, comme moteur suprême, comme principe de toute intelligence, il s’appliquait à sonder d’une main ferme et vigilante les plaies de l’État, et à y porter remède. Quand il avait satisfait aux rudes exigences des affaires, alors il se livrait tout entier au perfectionnement de son esprit. Et quelle incroyable ardeur il montrait à gravir les sommités les plus