Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/668

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ser au loin dans la postérité. Cependant cette postérité, qui s’en fait tant accroire, n’a rien de mieux à lire, ni de mieux à faire, que de le suivre dans ses préceptes. Je ne vois rien de plus instructif ; cela va jusqu’au merveilleux dans ses trois premiers livres. » Il n’est peut-être pas exact de dire que Végèce ait réduit en maximes et en méthode Tite-Live, qu’il n’a jamais nommé, et qui n’a guère de rapports avec lui. Il vaut mieux l’en croire lui-même sur les sources de son livre, lorsqu’il parle des ouvrages dont il l’a tiré. Mais ce qui importe ici, c’est de voir en quels termes s’est exprimée l’estime du chevalier Folard pour cet abrégé. Il y a d’ailleurs de la vérité à dire que bon nombre des préceptes qu’expose Végèce auraient pu être tirés des grands exemples de l’Histoire romaine de Tite-Live.

Végèce, en effet, excelle dans les maximes générales. Il avait très-bien compris que le seul moyen de relever la majesté de l’empire, c’était de faire revivre l’ancienne police militaire. Ses conseils à l’empereur Valentinien sont pleins de sagesse et de vérités philosophiques ; et tous ses préceptes sur l’art de la guerre renferment des principes féconds en conséquences. Le plan de l’ouvrage est méthodique. Il traite des levées et des exercices des nouveaux soldats dans son premier livre ; dans le second, de la légion, de son ordonnance, des ses différents genres de soldats, de leurs armes, de leurs fonctions. Ces deux livres servent de préparation au troisième, qui roule sur les grandes opérations de la guerre, principalement sur la tactique. Le quatrième regarde l’attaque et la défense des places ; et le cinquième, la marine.

On peut remarquer dans cet ouvrage, où tant de matière est renfermée, les deux défauts presque inséparables des abrégés, l’obscurité et la sécheresse. Il en est un autre plus grava : Végèce confond les temps et les usages militaires. Les anciens, chez lui, signifient tantôt les Romains dans leurs commencements, tantôt la république florissante ; souvent des temps peu antérieurs à son siècle. En général, il n’observe pas assez les différentes époques de la milice. Quant à son style, s’il est vrai qu’il soit en certains endroits obscur et sec, en beaucoup d’autres il ne manque ni d’élégance ni de force ; et, eu égard au temps où vivait Végèce, son livre est d’un bon écrivain. Le ton en est par moments élevé, et, parmi quelques fleurs de rhétorique, on rencontre des passages animés de cette éloquence que donnaient à l’auteur l’amour de son sujet, au Romain l’admiration du passé de son pays.

Parmi les traductions qui ont été faites des cinq livres de Végèce, deux seulement, publiées au dernier siècle vers la même époque, méritent d’être remarquées. L’une est celle d’un savant membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, Bourdon de Sigrais[1] ; l’autre est du chevalier de Bongars, l’un de nos plus habiles écrivains militaires. La traduction de Sigrais, plus littéraire et plus exacte, est moins technique que celle du chevalier de Bongars, qui est loin d’ailleurs de manquer d’élégance. Celle que nous donnons est, pour la plus grande partie, une reproduction du travail de ces deux traducteurs, révisé avec soin, et mis d’accord, pour la disposition des chapitres comme pour le détail, avec l’excellent texte de Nicolas Schwebelius, que nous avons adopté[2]. Bougars, occupé surtout du sens et du technique des préceptes, néglige quelquefois la partie morale, et a rendu son auteur plus sec qu’il n’est, en indiquant plutôt qu’en traduisant les pensées philosophiques que Végèce mêle parmi les règles. Nous y avons suppléé par des additions assorties au style simple, ferme et net de la traduction.

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  1. Nous nous sommes aidé de sa préface pour la rédaction de cette notice.
  2. Strasbourg, 1806.