Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/721

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un désavantage pour des gens épouvantés, qui craignent presque autant la vue de l’ennemi que ses armes. Une troupe enveloppée, qui, au contraire, n’aperçoit aucune issue, quoique faible et en petit nombre, devient l’égale de l’ennemi, parce que, se voyant sans espérance, elle sent qu’elle n’a pas d’autre ressource que de se battre :

Le salut des vaincus est de n’en point attendre.
chapitre xxii.
Comment on se retire de devant l’ennemi, si on n’a pas envie de combattre.

Après avoir traité de tout ce que l’art et l’expérience nous apprennent sur les combats, enseignons à les éviter. C’est, disent nos savants militaires, la manœuvre la plus périlleuse qu’il y ait à la guerre. On ne peut se refuser au combat sans diminuer la confiance de ses troupes, ni sans augmenter celle de l’ennemi : cependant, comme on se trouve souvent obligé de prendre ce parti, il est bon de savoir les moyens de le prendre avec sûreté. Faites d’abord que votre armée n’attribue pas votre retraite à la crainte d’en venir aux mains ; faites-lui croire que vous vous retirez pour tendre des embûches à l’ennemi, au cas qu’il vous poursuive, ou pour l’attirer dans une position plus propre à le défaire aisément : autrement, le soldat, qui sent que son général appréhende de se commettre, est bieutôt prêt à fuir. Prenez bien garde encore que l’ennemi ne pénètre votre dessein, et ne tombe sur vous dans le moment de votre retraite. Pour éviter cet inconvénient, nos généraux ont souvent couvert leur front d’une cavalerie qui, en dérobant à l’ennemi la vue de l’infanterie, leur permettait d’en diriger la marche par les derrières, sans être aperçus ; ils retiraient peu à peu de leur poste toutes les troupes séparément, les unes après les autres ; et les rangeant en ordre de marche après la cavalerie, à mesure qu’elles se détachaient du corps de bataille, ils les réunissaient. Quelquefois, après avoir fait reconnaître dès la veille la route qu’ils voulaient suivre le lendemain, ils décampaient la nuit même, afin de gagner une marche sur un ennemi qui, ne s’apercevant de ce mouvement qu’au jour, les aurait inutilement poursuivis. Ils détachaient, outre cela, une avant-garde de la cavalerie et de l’infanterie légère, pour occuper les hauteurs qui se trouvaient sur la route, et sous lesquelles. l’armée pouvait se retirer en sûreté : si l’ennemi entreprenait de l’y attaquer, ce détachement tombait sur lui des hauteurs. Rien n’est plus dangereux pour la troupe qui en poursuit une sans précaution, que d’en rencontrer une autre en embuscade, ou préparée à la recevoir : cette circonstance est même très favorable pour tendre des embûches à l’ennemi qui vous poursuit, car la supériorité où il se sentira sur les fuyards le rendra vraisemblablement plus hardi et moins précautionné. L’on sait que la trop grande sécurité est toujours dangereuse. Les surprises arrivent ordinairement dans les marches quand on n’est point sous les armes, dans les repas, dans les haltes, après une marche fatigante, quand les chevaux sont à la pâture, et qu’on ne soupçonne aucun danger. Voilà ce qu’il faut éviter pour soi, et faire payer cher à l’ennemi quand il nous en offre l’occasion. A une troupe surprise, le nombre