Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/727

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LIVRE IV.

PROLOGUE.

C’est par l’établissement des villes que les hommes grossiers et sauvages des commencements du monde se distinguèrent d’abord des bêtes sauvages et des animaux en général. L’utilité commune y fit naître le nom de république. C’est pourquoi les nations les plus puissantes, et les princes qui tiennent leur titre de Dieu, n’ont point imaginé de plus grande gloire que de fonder des villes ou de donner leur nom à d’autres déjà fondées, en les agrandissant. C’est en cela que Votre Sérénité obtient la palme. D’autres princes ont travaillé à peu de villes ou à une seule ; votre Piété, par de continuels travaux, en a porté un nombre immense à un tel point de perfection, qu’elles semblent moins bâties par la main des hommes que créées par la volonté du ciel. Votre félicité, votre modération, la pureté de vos mœurs, votre clémence exemplaire, votre amour pour les choses de l’esprit, vous mettent au-dessus de tous les empereurs. Nous regardons les biens qui nous viennent de votre vertu et de votre règne ; nous possédons ce qui a fait les désirs des siècles précédents, et ce que la postérité voudrait voir durer à jamais. Nous nous félicitons, avec tout l’univers, d’avoir reçu tout ce que les vœux des humains peuvent demander, et tout ce que la bonté divine peut leur accorder. Rien ne montre mieux l’utilité des fortifications, et la sagesse des vues de votre Majesté dans les grands ouvrages qu’elle fait faire, que l’exemple de Rome même, qui ne dut autrefois le salut de ses citoyens qu’à la défense du Capitole : un fort seul sauva cette ville, destinée à l’empire du monde entier. L’attaque et la défense des places sont donc une partie importante, et qui entre nécessairement dans l’ouvrage que j’ai entrepris par le commandement de votre Majesté. Je vais la traiter méthodiquement, d’après les différents auteurs qui en ont écrit ; et je ne plaindrai point un travail qui peut contribuer à l’utilité publique.

chapitre i.
De la fortification naturelle et artificielle des places.

Les places et les châteaux sont forts par la nature ou par l’art, et, ce qui vaut mieux encore, par l’un et par l’autre : par la nature, quand leur assiette est sur un lieu élevé ou escarpé, environné de la mer, de marais ou de rivières ; par l’art, quand on les entoure de remparts et de fossés. Il est plus sûr de profiter des avantages naturels du lieu lorsqu’il s’agit de bâtir une place, parce qu’en les négligeant il faut tout tirer de l’industrie et du travail. Cependant on voit de vieilles places assises dans des plaines découvertes, qu’au défaut de la situation on a rendues imprenables à force d’art et d’ouvrages.

chapitre ii.
Qu’il faut faire les murailles avec des angles, et non en ligne droite.

Les anciens trouvèrent que l’enceinte d’une place ne devait point être sur une même ligne