Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/740

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grands navires à six rangs de rames, et même plus. On joint encore aux grandes liburnes des bateaux montés de vingt rameurs environ à chaque bord : les Bretons les appellent les bateaux peints. Ils sont faits pour tenter des surprises, pour intercepter les vaisseaux de charge et les provisions de l’ennemi, pour observer ses mouvements et découvrir ses desseins. Mais comme le blanc ferait trop apercevoir ces bâtiments, on en teint les voiles et les cordages d’un vert d’eau qui imite la couleur de la mer ; il n’y a pas jusqu’au goudron qui n’en soit coloré : les matelots même et les soldats sont habillés de cette couleur, pour être moins vus de nuit et de jour, lorsqu’ils vont à la découverte.

chapitre viii.
Les noms et le nombre des vents.

Tout homme qui commande une armée de mer doit se connaître aux pronostics des tempêtes ; car il a péri plus de vaisseaux liburniens par les tempêtes et les flots que par les ennemis. C’est l’étude de cette partie de la philosophie naturelle qui lui apprendra la nature des vents et les phénomènes du ciel qui produisent les tempêtes. La mer est un élément difficile, sûr pour ceux qui sont prudents, mortel pour ceux qui y manquent de prévoyance. Aussi la première règle dans l’art de la navigation est-elle de distinguer le nombre et les noms des différents vents. Les anciens croyaient que, selon la position des points cardinaux, il n’y avait que quatre vents, qui soufflaient des quatre parties du monde : mais l’expérience qu’on a acquise depuis en a fait compter douze. Pour éviter toute hésitation, nous avons donné à ces vents non seulement leurs noms latins, mais ceux qu’ils ont dans la langue grecque ; de telle sorte qu’après avoir reconnu les quatre vents principaux, nous indiquons tous ceux qui soufflent à droite et à gauche de ces quatre directions principales. Commençons par le solstice du printemps ou l’orient, d’où vient le vent d’est (άπηλιώτης), qui regarde le soleil levant. Il a à droite le vent du nord-est (καικίας), à gauche l’eurus (euroV), ou le vulturne. Au midi est le vent du sud, l’auster (notoV). Il a à sa droite le Notus blanc (leukonotoV), à sa gauche le corus (libonotoV). Au couchant, souffle le zéphyre (zefuroV) ou vent du couchant ; il a à droite l’africus (liy) ; à gauche, l’iapix (iapux) ou le favonius. Au septentrion, est le vent du nord (aparktiaV), qui a à droite le circius (qraskiaV), à gauche borée (boreaV), ou l’aquilon. Ces vents soufflent souvent seuls, quelquefois deux ensemble, et même trois dans les grandes tempêtes. Par leur violence, les mers, qui sont naturellement tranquilles, deviennent furieuses, et leurs souffles capricieux changent, selon les saisons et les côtes, le calme en tempête, et la tempête en calme. Un vent favorable mène une flotte au port qu’elle désire, et le vent contraire l’arrête, la force de reculer, et d’essuyer les dangers de la mer : mais on n’a guère vu faire naufrage à ceux qui ont eu une connaissance parfaite des vents.