Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/743

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manie le gouvernail, que dépend en partie la victoire.

chapitre xiv.
Des armes et des machines navales.

On se sert dans un combat de mer, non seulement de toutes les espèces d’armes qu’une armée de terre porte à une bataille, mais encore de machines et d’instruments tels qu’on en emploie à l’attaque et à la défense des places. Rien n’est si cruel qu’un combat naval, où les hommes périssent dans les flammes et dans les eaux. La première précaution doit donc être de munir les soldats d’armes défensives, d’armures complètes ou de demi-cuirasses, avec des casques et des jambières, d’autant plus qu’ils ne peuvent pas se plaindre du poids de leurs armes, puisque l’on combat dans des vaisseaux, sans se remuer de sa place. On leur donne encore des boucliers plus forts pour résister aux coups de pierres, et plus larges à cause des faux, des crocs, et des autres espèces d’armes navales. De part et d’autre on se lance des pierres, des flèches, des dards, des plombées, avec les frondes, fustibales, onagres, balistes et scorpions : mais l’abordage est terrible. Les plus hardis joignent leurs liburnes à celles de l’ennemi, jettent des ponts sur son bord pour y passer ; et c’est là qu’on combat de près avec l’épée, et, comme on dit, corps à corps. On élève aussi sur les grandes liburnes des châteaux et des tours, afin de pouvoir plus facilement, comme du haut d’un rempart, incommoder les ennemis et leur tuer du monde. Enfin, l’on envoie avec les balistes dans les vaisseaux ennemis des flèches enveloppées d’étoupes imbibées d’huile incendiaire, de soufre et de bitume, et ces flèches ardentes enflamment bientôt des planches enduites de cire, de poix et de résine. Dans ces combats, ceux-ci périssent per le fer, ceux-là sont écrasés par les pierres ; les autres sont consumés par les flammes au milieu des flots ; et, parmi tant de différentes morts, ce qu’il y a de plus cruel, c’est que les corps sans sépulture vont servir de pâture aux poissons.

chapitre xv.
Des ruses que l’on pratique sur mer. — De ce qui arrive dans un combat naval à force ouverte. — Énumération des armes qui y sont nécessaires. — Des poutres ferrées, des faux, et des haches à deux tranchants.

Les surprises ont lieu sur mer comme sur terre. On dresse des embuscades dans les endroits des îles qui y sont le plus favorables, pour défaire plus facilement un ennemi qui n’est pas sur ses gardes. Si ses matelots sont fatigués d’avoir longtemps ramé ; s’il a le vent ou la marée contraire ; si la rade où il est n’a point d’issue ; enfin, si l’occasion de le combattre vient comme on l’a souhaitée, il faut donner la main aux bienfaits de la fortune, et engager le combat avec les avantages qu’elle nous offre. Mais si, par leur vigilance, les ennemis ne donnent point dans les pièges qu’on leur tend, et qu’ils nous forcent à en venir à un combat général, alors il faut mettre ses liburnes en ordre de bataille, non pas sur une ligne droite, comme on range les armées de terre, mais sur une ligne courbe en forme de croissant. Votre centre sera concave, et vos ailes s’avanceront en s’arrondissant, afin que si l’en-