Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/94

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récemment investi de la charge, et qui venait de mourir. L’administration d’Artémius, bien que fréquemment troublée par des séditions, n’offre rien d’assez intéressant pour trouver place dans ce récit.

XII. Auguste passait alors l’hiver à Sirmium : son repos y fut troublé par des courriers qui lui apportèrent une fâcheuse nouvelle, celle de la jonction des Quades et des Sarmates. Ces deux peuples, chez qui la proximité de territoire, et une similitude de mœurs et de manière de combattre, entretient une sorte d’intelligence, ravageaient de concert, par petits détachements, les deux Pannonies et la haute Mésie. Tous deux entendent mieux la petite guerre que les batailles rangées. Ils portent de longues lances et des cuirasses de toile, sur lesquelles de petites lames de corne polie s’étagent à la façon des plumes sur le corps d’un oiseau. Ces peuples n’emploient guère que des chevaux hongres ; parce que ceux-ci ne s’emportent pas à la vue des cavales, et que, moins ardents que les étalons, ils sont moins sujets à hennir, et à trahir par là le secret des embuscades. Les Sarmates peuvent, à l’aide de ces coursiers aussi rapides que dociles, franchir aisément les plus grandes distances, soit qu’ils fuient ou qu’ils poursuivent. Un cavalier en mène d’ordinaire un, quelquefois deux en laisse, et les monte alternativement, pour ménager leurs forces par cette succession de charge et d’allégement.

Dès que l’équinoxe de printemps fut passé, Constance se mit en campagne à la tête d’un corps d’armée considérable, et sous les plus favorables auspices. Arrivé au bord de l’Ister[1], alors enflé par la fonte des neiges, il choisit le point le plus commode pour établir un pont de bateaux, passe le fleuve, et va porter le ravage sur les terres de l’ennemi. Surpris de cette attaque, et se voyant sur les bras une armée complète, dont ils avaient cru la réunion impossible à cette époque de l’année, les barbares ne purent tenir pied, et, sans même prendre haleine, ne surent que se dérober par la fuite à ce péril imprévu. Il en périt plus d’un dont la terreur enchaîna les pas. Ceux qui durent leur salut à la rapidité de leur course, et trouvèrent à se réfugier dans les gorges de leurs montagnes, purent, de leurs retraites, contempler le désastre de leur patrie ; désastre qu’ils auraient sans doute conjuré s’ils eussent déployé pour se défendre la même vigueur que pour s’enfuir.

Tel était l’aspect de l’expédition dans la partie du pays des Sarmates qui fait face à la Pannonie inférieure. Une autre colonne, parcourant comme un tourbillon la Valérie, y dévastait avec non moins de fureur les possessions des barbares, pillant ou incendiant tout ce qui se trouvait sur son passage. Cette immense désolation émut enfin les Sarmates ; ils renoncèrent à se cacher, et simulèrent des propositions de paix. Leur plan était de profiter de la sécurité que devait nous inspirer cette démarche, et d’exécuter contre nous, en divisant leurs forces, une triple attaque assez brusque pour ne nous laisser la faculté ni de parer leurs coups, ni d’user de nos traits, ni même de recourir à la ressource extrême de la fuite. Les Quades, que nous n’avions pas plus ménagés dans nos excursions, firent cause commune avec eux. Mais il fallait se battre de front, et leur coup de main échoua, malgré l’audace et la célérité de leurs mesures. On fit d’eux un grand carnage ; et ce qui put s’échapper n’y réussit qu’en gagnant des réduits connus d’eux seuls dans leurs montagnes.

Ce succès donna du cœur à nos troupes, qui

  1. Le Danube.