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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

MADAME B.

Il y a une classe de fermiers (les yeomen) qui cultivent des terres qui leur appartiennent en propre ; si vous avez à cœur d’encourager leur industrie, il faut leur permettre de recueillir en plein le fruit de leur travail, c’est-à-dire, d’accumuler de la richesse ; après être devenus riches, de jouir de l’aisance et du repos, et de remettre à d’autres le soin de leurs terres, s’ils aiment mieux le faire que de les cultiver eux-mêmes. Si l’on défendait aux propriétaires de donner leurs terres à ferme lorsqu’ils deviennent riches, ils n’en seraient pas moins oisifs ; ils négligeraient le travail de la ferme ; ce travail resterait abandonné aux domestiques, la culture en souffrirait, et la diminution de produit qui en résulterait nuirait à la fois au propriétaire et au pays. Dans les pays civilisés, la propriété foncière a été acquise par le travail, ou par la richesse qui est le fruit du travail ; elle doit être assurée dans toute sa valeur, non-seulement à l’individu qui l’a gagnée, mais à ses héritiers à perpétuité.

En outre, quoique les rentes croissent quand le pays marche vers la prospérité, cet accroissement n’est pas en proportion de l’accroissement du produit du sol. Autrefois la rente donnait communément au propriétaire un tiers du produit de sa terre ; elle est tombée depuis au quart, et tout dernièrement elle a été estimée d’un cinquième seulement ; en sorte que le propriétaire reçoit une plus forte rente, et a cependant une moindre part dans le produit total.

CAROLINE.

Cela me console un peu. Mais n’y aurait-il aucun moyen d’abolir les rentes, et de forcer les fermiers à réduire en conséquence les prix de leurs produits ; de manière que ce ne fût ni le propriétaire, ni le fermier, mais le public, qui jouît du bénéfice de ce surplus du produit d’où dérive la rente ? Certainement cela réduirait le prix des vivres, et de tous les produits agricoles.

MADAME B.

En admettant cette réduction, quel avantage pensez-vous qu’il en résultât ? Quand on propose quelque mesure de contrainte, et surtout une mesure si compliquée, je suis toujours inquiète des suites.