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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

bail, qui, après avoir payé une rente stipulée, jouit en entier du fruit de son travail.

Townsend nous apprend que la plupart des grandes terres en Espagne sont en régie, c’est-à-dire, qu’elles sont tenues par des agents ou intendants pour le compte du propriétaire ; et c’est principalement à cette cause qu’il attribue le mauvais état de l’agriculture. « Aucun pays, dit-il, ne peut souffrir plus que l’Espagne du manque de riches tenanciers, et peut-être à cet égard aucun n’égale l’Angleterre. On observe universellement que la richesse produit la richesse ; mais pour l’obtenir de la terre, il faut que le fermier en ait déjà beaucoup. Plusieurs hommes d’une classe supérieure, ou par amusement ou en vue du gain, s’appliquent parmi nous à l’agriculture et occupent une grande étendue de terres. Ils ont obtenu de riches récoltes et introduit de bonnes méthodes de culture ; mais je crois que très-peu d’entr’eux peuvent se vanter d’avoir fait de grands profits, et plusieurs avouent franchement qu’ils ont fait quelques pertes. Puis donc que résidant sur leurs propres terres et y donnant toute leur attention ils y perdent, combien n’y perdraient-ils pas davantage, si, dans des provinces éloignées, ils se contentaient d’employer des intendants pour labourer, semer, vendre et consommer le produit de leurs terres. »

Il y a cependant dans les climats plus chauds que l’Angleterre, des produits dont les fermiers n’oseraient pas entreprendre la culture pour leur propre compte, et que les propriétaires craindraient de leur confier sans réserve. Tels sont la vigne et les oliviers. Ces plantes demandent beaucoup de soin et une attention vigilante pendant plusieurs années avant de donner du fruit ; or les fermiers sont rarement assez opulents pour s’engager dans un genre de culture dont les profits sont si tardifs. D’un autre côté, on peut nuire essentiellement à ces végétaux en leur faisant produire du fruit trop tôt et en trop grande abondance ; et comme le fermier pense moins à l’avenir qu’au présent, on craindrait de le laisser maître de hâter indiscrètement ses profits. De là vient que la vigne et les oliviers sont cultivés à moitié frais et à moitié profits par le propriétaire et le fermier. Celui-ci prend alors le nom de métayer. Ce système de culture était autrefois pratiqué fort généralement sur le continent pour les produits de tout genre. Il prévaut encore en