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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

CAROLINE.

Je devine, je crois, de qui vous voulez parler ; les domestiques ne sont-ils pas des ouvriers improductifs.

MADAME B.

Oui ; leur travail, quelque utile qu’il soit, n’augmente pas la richesse du pays. Un ouvrier productif est payé sur la valeur de l’ouvrage qu’il produit : cet ouvrage reste à celui qui l’emploie, et peut être accumulé ou échangé contre d’autres marchandises ; mais le travail d’un domestique, loin d’accroître le revenu de son maître, est pour lui une dépense ; car ses gages sont nécessairement payés par le produit du travail de quelque autre.

CAROLINE.

Il y a sans doute une différence essentielle entre ces deux classes d’ouvriers : avoir un grand nombre d’ouvriers est une source de richesse, avoir beaucoup de domestiques est une source de dépense.

MADAME B.

L’un est un emploi du capital, l’autre une dépense de revenu. Mais il s’en faut de beaucoup que la classe des ouvriers improductifs se bornent aux seuls domestiques ; elle s’étend à tous les serviteurs du public : les acteurs, les chanteurs, les danseurs, tous ceux en un mot qui sont entretenus par le travail d’autrui en font partie.

CAROLINE.

N’est-il pas à regretter que ces personnes-là ne soient pas contraintes de se livrer à des occupations plus utiles ?

MADAME B.

Leur travail, bien que d’une nature improductive, est en général utile. Les domestiques, par exemple, en soulageant les ouvriers productifs de beaucoup de travaux indispensables, les mettent en état de faire plus d’ouvrage qu’ils n’auraient pu faire sans cela. Ainsi un homme chargé de l’emploi d’un capital considérable peut employer son temps d’une manière plus utile à la communauté et à lui-même, qu’à nettoyer ses souliers et à apprêter son dîner.