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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

et d’autres objets de ce genre dont on cause entre femmes.

MADAME B.

J’ai vu l’ignorance de l’économie politique se déceler, même dans des conversations relatives à la toilette. « Quel dommage, disait une femme, que les dentelles de France soient si chères ; pour moi, je ne me fais aucun scrupule d’en introduire en contrebande, c’est vraiment un plaisir de frauder la douane. » Une autre s’étonnait qu’on pût si aisément mettre sa conscience en repos sur la contrebande ; suivant elle, les dentelles, les soies de France, et en général toutes les marchandises françaises devraient être absolument prohibées ; elle était, disait-elle, déterminée à ne jamais rien porter qui fût de fabrique étrangère, quelque beau qu’en fût l’ouvrage ; c’était à ses yeux une honte d’encourager les manufactures au dehors, tandis qu’au dedans les ouvriers mouraient de faim.

CAROLINE.

Que pouvez-vous trouver à redire à cette manière de penser ? Elle me semble pleine d’humanité et de patriotisme.

MADAME B.

Je ne mets pas en doute la bienveillance dont cette dame était animée, mais lorsque le sentiment n’est pas dirigé par les lumières et réglé par la raison, les meilleures intentions sont souvent frustrées. L’économie politique se lie intimement avec les événements journaliers de la vie ; elle diffère essentiellement à cet égard de la chimie, de l’astronomie, de l’électricité ; si l’on commet quelque erreur dans ces dernières sciences, elles ont rarement un effet sensible sur notre conduite, tandis que l’ignorance de la première peut nous jeter dans des erreurs pratiques très-fâcheuses.

Il y a peu d’histoires, peu de relations de voyages, où l’on ne trouve des faits et des opinions, qu’on ne peut bien entendre et apprécier sans quelque connaissance préalable des principes de l’économie politique : et si l’auteur lui-même manque de cette connaissance, on est continuellement exposé à adopter ses erreurs. C’est ce qui vous est arrivé en lisant Télémaque. On découvre l’ignorance des principes de l’économie politique dans quelques-uns de nos écrivains les plus sensés et les plus élégants ; surtout parmi les poètes. Ce beau poème de Goldsmilh, le Village aban-