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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

CAROLINE.

Ainsi l’arc qui avait occupé trois jours notre sauvage aurait pu valoir deux fois le travail du chasseur pendant un même espacé de temps ; car il faut bien moins d’habileté pour chasser, que pour fabriquer des arcs et des flèches.

MADAME B.

Nous voyons, d’un autre côté, que huit heures de travail d’un porteur de charbon se paient beaucoup plus que le même nombre d’heures d’un tisserand, parce que le premier de ces travaux, qui sans doute exige moins d’art, est plus rude et plus déplaisant. Mais le tisserand recevra de plus forts salaires qu’un ouvrier de campagne, parce que le travail de celui-ci est plus sain et n’exige pas autant d’habileté dans l’ouvrier.

Puis donc qu’il est impossible d’entrer dans le calcul de toutes ces nuances ; la rente, les profits et les salaires ne peuvent point fournir un exact étalon pour la mesure des valeurs.

CAROLINE.

Mais ils ont servi du moins à me donner une idée beaucoup plus nette et plus précise de la valeur que je n’en avais auparavant.

MADAME B.

Il s’en faut bien toutefois que l’idée que vous avez de la valeur soit complète ; car, comme je vous l’ai dit, il y a, outre les frais de production, des circonstances à considérer, qui influent essentiellement sur le prix des marchandises. Dans une ville assiégée, par exemple, les vivres ont souvent acquis une valeur vingt et trente fois plus grande que leur valeur naturelle, et leur prix a crû en proportion.

CAROLINE.

Cet accroissement de prix, en ce cas, n’est dû qu’à la rareté, et non à l’augmentation de valeur ; car si les denrées redevenaient abondantes ; elles reprendraient leur prix accoutumé.

MADAME B.

Le haut prix est ici l’effet d’un accroissement de valeur ; car ce n’est pas seulement en les vendant pour de l’argent que ces vivres