Page:Marcet - L’économie politique en vingt-deux conversations, 1837.pdf/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
182
L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

MADAME B.

Sans doute ; la monnaie est devenue utile, non-seulement comme moyen d’échange, mais aussi comme mesure commune des valeurs. Vous apprendrez bientôt qu’elle n’est pas, non plus que le travail, une mesure très-exacte, lorsqu’il s’agit de comparer les valeurs d’un certain temps à celles d’un autre temps fort différent ; mais elle suffit pour les objets communs du commerce.

Avant l’invention de la monnaie, les hommes ne savaient comment s’y prendre pour estimer la valeur de leur propriété. Ils étaient obligés de la comparer à d’autres ; et n’ayant aucune mesure fixe et déterminée, ils avaient recours à des objets d’une valeur généralement connue. C’est ainsi que nous voyons, dans l’Écriture et dans les anciens poètes, que l’on parle des choses qu’un homme possède comme valant tant de bœufs et tant de moutons. Le docteur Clarke nous apprend que, même de notre temps, les Tartares Calmoucs estiment la valeur d’une cotte de maille de six, huit, et jusqu’à cinquante chevaux. Dans les pays civilisés, chacun estime sa propriété par la quantité de monnaie qu’elle vaut. Celui qui fait cette estimation de son bien ne possède pas une telle somme en monnaie ; mais sa propriété, de quelque nature qu’elle soit, est équivalente à cette somme.

CAROLINE.

Par exemple, un homme qui a un capital de 20 000 liv. sterl. n’a peut-être pas 20 liv. sterl. réellement en monnaie ; mais sa propriété, en terres ou en marchandises, pourrait lui rapporter, en la vendant, 20 000 liv. sterl.

Quand on apporte de l’or dans un pays, comment l’achète-t-on ? Il faut donner quelque chose en échange ; cette chose-là ne peut pas être de la monnaie ?

MADAME B.

Non sans doute. Un marchand d’or et d’argent ne tirerait aucun avantage d’un commerce, dans lequel il ne ferait qu’échanger, poids pour poids, ces métaux d’un pays à l’autre ; il perdrait, non-seulement ses profits, mais les frais de transport, etc., en sorte qu’au fait il échangerait 100 liv. sterl. contre 90 ou 95.

Nous payons l’or et l’argent en draps, en quincailleries, en calicots, en toiles, en une multitude de diverses marchandises.