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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

lance devrait être constamment contre l’Espagne et le Portugal, et constamment favorable aux autres pays ; puisque c’est d’Espagne et de Portugal que tous les trésors du nouveau monde coulent en Europe ?

MADAME B.

En effet, mais ils ne sont pas envoyés immédiatement aux parties de l’Europe les plus éloignées ; ils y sont portés par les pays intermédiaires. C’est ainsi que la France envoie des louis à Genève, pour payer les montres qu’elle y achète ; ou en Italie, pour payer les soies écrues, l’huile d’olive, etc. En sorte que les pays les plus éloignés de l’Espagne et du Portugal auraient sans cesse ce que l’on appelle si absurdement une balance de commerce favorable ; tandis que les pays intermédiaires l’auraient favorable avec ceux qui sont plus voisins qu’eux de l’Espagne, et défavorable avec ceux qui en sont plus éloignés.

C’est là toutefois un principe général, qui, tout vrai qu’il est en théorie, demande à être modifié dans la pratique. Une grande variété de circonstances occasionne des fluctuations dans la distribution régulière de la richesse venue d’Amérique. Tout extraordinaire que la chose puisse paraître, il n’y a qu’assez peu de temps que nous avons envoyé des sommes considérables d’espèces en Espagne et en Portugal, pour l’entretien des troupes que nous avions dans ces pays-là ; tant la guerre renverse l’ordre naturel des choses ! Au lieu d’exporter les ouvrages de nos manufactures pour rapporter chez nous de l’or, nous étions obligés d’enlever notre monnaie à la circulation, tandis que nos manufacturiers mouraient de faim ou s’enrôlaient dans l’armée même qui était la source de leur ruine.

CAROLINE.

Mais si l’Espagne, par une suite de cette abondance d’or et d’argent qui y règne, importe chez elle de si grandes quantités d’ouvrages fabriqués, cela ne doit-il pas arrêter les progrès de sa propre industrie ?

MADAME B.

Cela l’arrête en effet ; mais moins que vous ne pourriez l’imaginer, parce qu’elle ne reçoit pas l’or et l’argent d’Amérique libre de tous frais. Elle l’obtient en partie sous forme d’une taxe, imposée