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CONTES POPULAIRES

Peu après Jack, son fils aîné, revint à la maison ; le carrossier chez lequel il était engagé n’avait plus rien à faire, il ne vendait plus que des charrues et des chariots de campagne.

« Mais, objecta son père, pourquoi n’être pas resté chez ton maître pour travailler à ces objets-là ?

— Oh ! reprit Jack, il a un plus grand nombre de charrues et de chars qu’il n’en pourra vendre de longtemps, car tous les fermiers en sont pourvus ; le métier de charron est tombé aussi bien que celui de carrossier. »

John soupira et retint avec peine le murmure prêt à s’échapper de ses lèvres.

« Il est du moins heureux, dit-il, que je gagne ma vie en labourant la terre. Le foin et le blé, Dieu merci, ne sont pas des objets de luxe. Je ne manquerai donc jamais d’ouvrage. »

Peu de jours après, le seigneur qui employait John à labourer ses terres, vint à la chaumière.

« John, dit-il, vous êtes un honnête laboureur, et je serais désolé de vous faire de la peine ; tenez, voici deux louis qui vous aideront jusqu’à ce que vous trouviez de l’ouvrage autre part ; car dorénavant je n’aurai plus besoin de vos services. »

John, qui s’était ranimé à la vue de l’or, retomba bientôt dans sa première tristesse, il s’imagina que sa seigneurie avait découvert qu’il était l’auteur de tout le mal qu’il ne pouvait plus se cacher à lui-même, et il dit en balbutiant qu’il espérait n’avoir point offensé son honneur.

« Ne m’appelez plus ainsi, John ; nous sommes égaux maintenant, nous sommes tous paysans. J’ai le bonheur d’avoir conservé mon domaine, parce que la terre n’est pas un objet de luxe ; mais la ferme est trop grande pour le genre de vie que je mène actuellement ; aussi je compte en laisser une partie en friche ou la consacrer à parquer mes moutons.

— Dieu me garde ! Mais, votre honneur, ce serait une pitié que de détruire de si beaux prés, de si beaux champs ! N’êtes-vous pas certain d’en vendre les produits comme auparavant ? le blé et le foin ne sont-ils pas des objets de première nécessité ?

— C’est vrai, reprit le seigneur ; mais je puis vivre sur le produit de la moitié seulement de ma terre, et je ne vois pas pourquoi je prendrais la peine d’en cultiver davantage. D’ailleurs, puisqu’on