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CONTES POPULAIRES

— Vous avez chacun une paire de bons bras, et si vous vous en étiez servis jusqu’à présent comme vous deviez le faire, vous ne viendriez pas ici les mains vides. »

» La femme de Jobson, sachant qu’ils étaient mariés tous deux, se sentit touchée en pensant à leurs pauvres femmes :

« Si vous voulez travailler pour nous, leur dit-elle, mon mari vous permettra, je n’en doute pas, de profiter de l’habileté du géant.

— Mais quel besoin ai-je de ces hommes, dit Jobson, tant que le géant travaille pour moi ?

— Il y a des choses que ne peut faire Aquafluens, tu le sais bien, mon ami, reprit sa femme ; et ne t’ai-je pas entendu dire qu’il travaille si vite que tu as à peine le temps de lui préparer de l’ouvrage ? Eh ! bien, repose-toi un peu, et ces messieurs te remplaceront.

— Cela est vrai, répliqua-t-il ; d’ailleurs nous voilà assez à notre aise pour que je ne me rende pas esclave. Mais dois-je me confier à ces paresseux ?

— Tu les surveilleras de temps en temps. En outre, dit madame Jobson, j’ai besoin qu’ils me fassent quelques grands paniers pour enfermer toutes les bonnes choses que nous ont apportées nos voisins. »

» Il fut conclu que le géant moudrait le blé de ces deux hommes, à condition que Jobson les emploierait à ce qu’il lui plairait. L’un fut chargé de dépouiller un arbre de son écorce, tandis que l’autre courut couper des tiges de saule pour faire des paniers.

» Il serait trop long de détailler tous les avantages que la colonie retira des services du géant ; mais, quoique le bénéfice fût général, Jobson en profitait beaucoup plus que tous les autres ; aussi les habitants de l’île, lorsqu’ils avaient un jour de loisir, ne manquaient pas d’aller se promener au loin, dans l’espérance de rencontrer quelque autre géant.

» Plusieurs d’entre eux s’informèrent d’Aquafluens s’il avait des frères.

« J’en ai un, leur dit-il, mais nous nous rencontrons rarement : j’aime à me reposer dans les vallées, et lui fréquente les hauteurs.

— Et peut-il travailler autant que vous ?

— Oui, répondit Aquafluens, lorsqu’il est bien disposé ; mais il est d’une humeur variable et quelquefois très-colère ; il lui arrive souvent de me chicaner, et alors je deviens furieux. »