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CONTES POPULAIRES

— Bon Dieu, John, que diront-ils de cela ? C’est bien cruel pour eux.

— Il le serait bien davantage de les laisser se marier sitôt pour avoir de pauvres enfants mal nourris, rachitiques, qui, élevés au sein de la misère et des maux qu’elle engendre, périraient bientôt, et qui, loin de faire la joie de leurs parents, ne seraient pour eux qu’une source de chagrins et de regrets.

— Ah ! comme nos chers petits ! dit madame Hopkins en soupirant. Mais, John, tu sais bien que l’un d’eux mourut de la rougeole ; cette maladie n’était point causée par le manque de nourriture, c’est Dieu qui nous l’avait envoyée.

— Oui, reprit John ; mais s’il n’avait pas été un pauvre petit enfant faible, il aurait pu supporter la rougeole comme tant d’autres qui l’ont sans en mourir. Nous ne pouvons pas dire qu’aucun de nos enfants soit mort positivement de faim, mais peut-être auraient-ils tous vécu s’ils avaient été élevés dans l’abondance.

— Hélas ! dit la pauvre mère en essuyant ses yeux, ce n’est pas leur mort qui m’affligeait le plus, c’étaient leurs cris et leurs souffrances. Pauvres petits êtres ! ils n’avaient pas une minute de repos. Ah ! quels pénibles moments j’ai passés ! Plus je les aimais, plus j’étais désolée. Nous en avions perdu quelques-uns de la petite-vérole lorsqu’on découvrit la vaccine ; je pensais que ceux qui restaient seraient sauvés, mais je les ai perdus également, l’un par une maladie, l’autre par une autre ; aussi je n’ai pu m’empêcher de croire que c’était la volonté de Dieu que nos malheureux enfants tombassent comme la fleur d’un arbre qui ne doit point porter de fruits.

— C’est toujours la volonté de Dieu que les enfants meurent, si leurs parents ne peuvent pourvoir à leurs besoins ; et, quand il n’y a pas de petite-vérole, les pauvres créatures sont emportées, les unes par la rougeole, les autres par la coqueluche et même par un rhume ; car elles doivent mourir, puisqu’il n’y a pas de quoi les nourrir.

— John, je ne puis supporter que tu parles ainsi ; on dirait que leur mort a été pour toi une bonne aubaine.

— Femme, je crois que c’est un péché et une honte que de mettre au monde des enfants pour les voir souffrir et mourir. Un berceau, puis une tombe, rien entre eux que la douleur et la misère ; non, nous ne devons pas permettre que nos petits enfants aient un sort