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CONTES POPULAIRES


L’ÉMIGRATION,
OU
LE NOUVEAU-MONDE.


Ainsi que nous l’avons dit précédemment, madame Hopkins aimait tendrement ses enfants, et quelque peine qu’elle eût à se tirer d’affaire avec une famille si nombreuse, elle n’aurait pas voulu en avoir un de moins, car ils lui étaient tous également chers.

« Dick et Sally, disait-elle, gagnent leur vie, et j’ai eu assez de chagrin lorsqu’ils ont quitté la maison. Patty va se marier, et quoique ce soit pour la donner à un excellent mari, qu’elle aime de tout son cœur, il me sera bien pénible de me séparer d’elle. Pour Tom et Jenny, ils deviennent gros et grands, et ils ont si bon appétit, que c’est un plaisir de les voir à table ; ils n’en seront que mieux portants et plus forts quand ils commenceront à travailler. Betty mange très-peu, mais elle est fraîche et gentille ; il n’y a que ma pauvre petite Jenny qui m’inquiète ; c’est un enfant délicat, qui demande beaucoup de soins, et il me semble que je l’aime davantage à cause de toute la peine qu’elle me donne. »

C’est ainsi que cette bonne femme énumérait les diverses raisons qu’elle avait d’aimer ses enfants.

« Quel dommage, John, dit-elle en soupirant, que le monde ne soit pas un peu plus vaste, afin qu’il y ait de la place, de l’ouvrage et de la nourriture pour tous !

— Quant à cela, répondit Hopkins, le monde est assez grand ; c’est l’Angleterre seulement qui est trop petite pour ses habitants. Mais, en revanche, il y a des pays qui manquent de population ; l’Amérique, par exemple, où l’Angleterre envoie des vaisseaux chargés d’artisans de toute espèce, qui, arrivés là, trouvent de l’ouvrage et sont bien payés. On dit même que plus ils ont d’enfants, plus ils sont à leur aise, parce que, dès que ceux-ci sont en état