Page:Marcet - L’économie politique en vingt-deux conversations, 1837.pdf/350

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
338
CONTES POPULAIRES

gens sont toujours malencontreux : premièrement viennent les maladies, ensuite les accidents.

— Sans doute cela peut arriver de temps à autre, mais ce n’est pas tous les jours ; puis, quand un homme reçoit de bons gages, il fait de petites économies, qu’il peut remettre au caissier du club, afin de n’être pas tenté de les dépenser le dimanche au cabaret ; il peut aussi les placer à la caisse d’épargne, où elles seront en sûreté et lui rapporteront un petit intérêt. D’ailleurs, John, n’avons-nous pas un hôpital où il y a d’habiles docteurs et autant de garde-malades que les riches peuvent en avoir chez eux ? La plupart de nos gens riches sont très-bons pour les ouvriers qui se trouvent dans le besoin, et je crois qu’ils seraient plus généreux encore, sans la taxe des pauvres.

— Il est difficile, dit John, de distinguer le bon du mauvais côté de ce qui se passe ; mais je sais qu’un estomac affamé est toujours mécontent ; toutes choses vont assez mal, à mon avis, et je suis un de ceux qui ne craindraient pas un changement, pourvu toutefois qu’il se fît graduellement.

— J’espère que nous vivrons assez pour voir cela, répliqua Stubbs en prenant son chapeau. Bonsoir, John, portez-vous bien ; et vous, dame Hopkins, ne m’en voulez pas pour ce que je vous ai dit. »

La bonne femme lui fit la révérence d’assez mauvaise grâce, et dit aussitôt après qu’il eut fermé la porte :

« Prends-garde, John, n’écoute pas trop cet homme, quoiqu’il soit ton supérieur : il me paraît clair comme le jour qu’il n’a en vue que son propre intérêt.

— C’est facile à voir, femme ; mais il n’en est pas moins vrai qu’il raisonne fort bien, et que ce qu’il a dit est assez juste.

— Juste ou non, je ne puis l’entendre parler avec tant de dureté.

— C’est le sens de ses paroles qu’il fallait considérer, et non pas ses expressions. Je pense comme lui que les intérêts du pauvre et ceux du riche se donnent la main, de même qu’un mari et une femme s’aiment et restent unis jusqu’à ce que la mort les sépare, quoiqu’ils se chicanent et se contrarient de temps en temps.

— Mais, John, si le mari était riche et la femme pauvre, ils ne s’aimeraient pas longtemps.