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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

MADAME B.

Non assurément. C’est par le principe de l’utilité générale qu’il faut mettre à l’épreuve la justice des lois ; car il n’y en a aucune qui n’impose quelque gêne à la liberté naturelle de l’homme, et qui, sous ce point de vue, ne pût donner prise aux objections. Mais nous avons vu que, sans lois, la vie, la propriété, la réputation, la liberté même, n’étaient pas en sûreté ; on sacrifie donc à la loi quelque portion de sa liberté ; en retour la loi nous garantit le reste, et en même temps nous procure tous les biens qui sont le fruit de la sécurité. Blackstone s’exprime ainsi dans ses commentaires :

« Tout homme, quand il entre dans la société, cède une partie de sa liberté, comme étant le prix du bien précieux qu’il acquiert ; et, en considération des avantages que lui procure le commerce mutuel de ses semblables, il s’oblige à se conformer aux lois que la communauté a cru convenable d’établir. Car aucun homme, capable de la moindre réflexion, ne voudrait conserver le pouvoir de faire sans gêne tout ce qu’il lui plaît, sachant que la conséquence de ce pouvoir serait que tout autre homme en aurait un pareil, et qu’il n’y aurait aucune sécurité laissée aux individus dans la jouissance des divers biens de la vie. Ainsi la liberté politique ou civile, qui est celle d’un membre de la société, n’est autre chose que la liberté naturelle, restreinte par les lois humaines, jusqu’au point, et non au delà du point, où il est nécessaire et convenable qu’elle le soit pour l’avantage général de la communauté.

Une constitution, ou une forme de gouvernement, un système de lois quelconque, n’est établi pour le maintien de la liberté civile, que lorsqu’il laisse les sujets entièrement maîtres de leur conduite, excepté dans les cas où le bien public exige quelque direction ou quelque gêne. »

CAROLINE.

Vous avez levé tous mes scrupules sur l’établissement de la propriété foncière. Ainsi revenons, s’il vous plaît, aux progrès de la richesse et de la civilisation.

MADAME B.

Il ne faut pas aller si vite. Les pas progressifs dans la marche de la civilisation sont fort lents ; il faut nous accoutumer à considérer