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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

drais pouvoir vous répéter tout ce qu’il a dit sur le bien que fait au pays le commerce étranger. Mon frère Bob, qui a beaucoup voyagé, était tout à fait de l’avis de sa seigneurie : c’était si clair que Tom même, mon garçon, l’a compris, et quoique je fusse d’une opinion toute contraire, ils ont fini par me convaincre.

— Quelque clair que cela fut, il me semble, John, que cela vous a tourné la tête ; je vous demande ce que peut avoir de commun le commerce étranger avec le blé que j’ai semé sur ce mauvais terrain ?

— Et ne comprenez-vous pas, monsieur le fermier, que si nous faisions venir notre blé d’un autre pays où il se vendrait meilleur marché qu’ici, nous nous en trouverions beaucoup mieux ?

— Ah ! c’est là que vous vouliez en venir, dit Stubbs en ricanant, et en haussant les épaules ; vous souhaitez donc la ruine des fermiers de votre pays, afin qu’elle enrichisse ces fats de Français ? Eh bien, John, j’avais meilleure opinion de vous.

— Ne vous emportez pas, maître Stubbs ; Dieu sait que je ne désire ni votre ruine ni celle d’aucun autre fermier, et que je me soucie peu de la fortune des étrangers ; je songeais seulement aux moyens d’avoir à bon marché du pain pour mes enfants, et je crois que c’est le devoir d’un pauvre père de famille.

— Sans doute, mais vous ne me ferez pas croire que son honneur vous ait dit qu’il était avantageux pour le pays de faire venir du blé de France, à moins que ce ne soit dans des temps de disette, quand le prix en est très-élevé : alors, vous le savez, la loi le permet, parce que cela ne peut nuire aux fermiers. Mais quant à faire le commerce libre du blé dans tous les temps, comme quelques ignorants le désirent, son honneur connaît trop bien ses intérêts pour y songer.

— Mais pourquoi les pauvres ne songeraient-ils pas à leurs intérêts aussi bien que les riches ? et si le blé importé des pays étrangers faisait baisser le prix de cette denrée, pourquoi ne demanderaient-ils pas une loi pour autoriser cette importation ?

— Vous pouvez penser et dire ce qu’il vous plaira, John ; mais soyez sûr qu’aussi longtemps que ceux qui possèdent les terres feront les lois, ils ne seront pas si fous que d’en créer une qui les ruinerait : ce serait comme si vous demandiez à un homme de se couper la gorge.

— Eh bien, j’ai meilleure opinion que vous de nos propriétaires,