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CONTES POPULAIRES

et particulièrement du seigneur de ce village ; il est vrai cependant qu’il n’a pas parlé du commerce du blé.

— Ah ! j’en étais sûr, John.

— Mais, reprit Hopkins, il nous a dit que toutes les fois que nous pouvons avoir de l’étranger une production quelconque à meilleur marché que si nous l’achetions dans le pays, il est de l’intérêt général de la faire venir : je n’ai pas compris tout ce qu’il a dit sur ce sujet, mais ce que j’ai saisi m’a paru très-juste.

— Oui, il peut en être ainsi pour des objets manufacturés, tels que les soieries et autres articles français qui sont le produit de l’industrie de l’homme, et non pas pour le blé, qui ne se fabrique pas, mais qui est le produit de la terre.

— Quoique le seigneur ne m’ait point parlé du blé en particulier, il n’a fait aucune différence entre les produits de la terre et ceux de l’industrie, car il a nommé le tabac, les raisins de Corinthe et beaucoup d’autres choses qui sont le produit du sol. Je ne doute pas qu’il ne m’en eût dit autant du blé s’il en avait été question.

— Non, non, John, répéta Stubbs en secouant la tête d’un air d’incrédulité ; il a trop d’esprit pour cela.

— Oh ! je sais bien qu’il est habile, car non-seulement il entend fort bien toutes les choses lui-même, mais il sait aussi les faire comprendre aux pauvres ignorants comme moi. Mais je vous garantis, maître Stubbs, que son cœur est aussi bon que sa tête ; et, s’il croyait que le commerce libre du blé dut augmenter la prospérité du pays et fût avantageux pour les pauvres, il y travaillerait volontiers sans songer à son intérêt particulier.

— Il est libre de faire ce qui lui plaira ; mais je lui dirai, moi, qu’il ne doit pas s’attendre à ce que je lui paie la rente qu’il reçoit actuellement, lorsque chaque vaisseau étranger qui apportera dans nos ports le rebut du blé de son pays sera libre de le vendre sur nos marchés. Non, certes, dès que mon bail aura expiré, savoir, dans deux ans à dater de Noël prochain, je lui dirai : « Vous pouvez garder votre ferme ou en baisser la rente, car depuis que le commerce du blé est libre, je perds au lieu de gagner. »

— En mettant les choses au pire, maître Stubbs, vous ne serez en perte que pendant une couple d’années ; aucun fermier ne serait lésé au delà du terme de son bail, puisqu’alors il pourrait