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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

CAROLINE.

D’un autre côté, le salaire ne peut jamais être égal à la valeur totale de l’ouvrage produit ; car si le maître n’y avait aucun profit, il n’emploierait pas l’ouvrier.

MADAME B.

Voilà donc les deux extrêmes entre lesquels le salaire est placé ; mais il y a une multitude de degrés intermédiaires. Si le salaire, outre la subsistance de l’ouvrier, ne lui donnait pas de quoi pourvoir à l’entretien de sa femme et de sa famille, la classe des ouvriers irait graduellement décroissant ; dès-lors la rareté des bras élèverait les salaires, et les ouvriers seraient en état de vivre avec plus d’aisance et d’élever une famille ; mais comme le capitaliste tient toujours le taux des salaires aussi bas qu’il peut, l’ouvrier et sa famille peuvent rarement obtenir plus que le nécessaire.

CAROLINE.

Entendez-vous par-là ce qui est indispensablement nécessaire pour vivre ?

MADAME B.

Non ; j’entends la nourriture, le vêtement, et les autres choses que le climat et la coutume du pays rendent indispensables pour la vie, pour la santé, et pour être à l’extérieur dans un état décent, analogue à ce que l’usage prescrit aux classes inférieures. Du feu et des vêtements chauds, par exemple, sont nécessaires dans ce pays ; ils ne le sont pas en Afrique. La civilisation et les progrès de la richesse et des manufactures ont beaucoup étendu l’enceinte du nécessaire ; l’usage du linge est considéré aujourd’hui comme un objet de nécessité par toutes les classes du peuple ; les bas et les souliers, en Angleterre au moins, sont presque mis au même rang. Des maisons à cheminées et à fenêtres vitrées sont devenues nécessaires ; car si les pauvres en étaient privés, la mortalité croîtrait sensiblement. En Irlande les paysans élèvent leurs enfants dans une cabane de boue, dont la porte sert en même temps de fenêtre et de cheminée.

CAROLINE.

Ne vaudrait-il donc pas mieux, que la classe ouvrière s’accou-