Page:Marchant de Beaumont - Manuel et itinéraire du curieux dans le cimetière du Père la Chaise.djvu/194

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En lisant sur l’un d’eux le nom de Saint-Marcellin, je déplore sa jeunesse, son talent, son courage, victime si jeune encore d’une barbarie dont l’excès fait frémir même dans l’âge de l’ignorance. Près de lui repose M. le marquis de Fontanes, homme de beaucoup d’esprit, dont la Journée des morts, les Tombeaux de Saint-Denis, la traduction de l’Essai sur l’homme par Pope, annonçaient le talent d’un poète distingué et fécond. Cependant M. Fontanes n’avait pas été entièrement lui-même, en transportant seulement dans notre langue la pensée d’un puissant génie ; car un poète doit inventer, ordonner, écrire. La révolution arrive, il la salue en célébrant l’aurore des libertés publiques par un poème séculaire, composé pour la fédération de 1789. Froissé par la licence populaire, ces excès accroissent la modération de son caractère et de sa conduite. Il peint dans l’éloge de Wasinghton un républicain se dévouant pour délivrer son pays d’un despotisme odieux, et bientôt lui-même se courbe sous le joug que la puissance d’un soldat heureux imposait à la France. Si dans la foule il se fut contenté de se laisser entraîner en silence par le torrent, personne n’aurait remarqué son changement de principes, lorsqu’il aurait cueilli des palmes sur l’Hélicon ; mais il se plaça lui-même sous les regards de la mul-