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De la province de Mangi, & de la debonnaireté & justice du Roy d’icelle.       Chapitre   LIII.



La province de Mangi a eu autresfois un Roy nommé Facfur, qui estoit si riche & puissant, qu’il n’avoit en tout le pays son superieur en puissance, hors mis le grand Cham. Son royaume estoit si bien fortifié, qu’on l’estimoit invincible, au moyen dequoy nul ne l’osoit assaillir, ne s’attacher a luy : ce qui fut cause que tant le Roy, que son peuple delaisserent & misrent en nonchallance l’usage & exercice des armes. Chacune des villes estoit ceincte & environnée de grandz & larges fossez remplis d’eaue, toutesfois ilz n’avoient point de chevaulx, car ilz ne craignoient ame : Telle asseurance a esté moyen & occasion que le Roy s’est donné du bon temps, prenant continuellement ses plaisirs & delices. Il avoit ordinairement a sa court mil gentilzhommes, sans son train de ses serviteurs & officiers, qui estoit grand & honorable. Toutesfois il avoit en singuliere recommendation la justice : il aymoit la paix & tranquilité, & estoit fort misericordieux. Nul n’osoit offenser, & faire tort a son prochain, ou troubler la tranquilité publique, autrement il estoit puny. Brief son royaume estoit en telle franchise & asseurance, que souventesfois les artisans laissoient de nuict leurs boutiques ouvertes, & neantmoins ne se trouvoit aucun qui osast y entrer. Les estrangers & viateurs paſ-