Page:Marco Polo - Le Devisement du monde, 1556.djvu/9

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grandes mers plaines de tempeſtes & orages, & par dispoſition de voiles reduyre en ſervitude les vents, meſmes à prendre en la face du ciel le cours de ſon chemin maritime, choſe admirable combien nature s’aſſubjectiſt & rend obeïſſante aux loix de l’homme. À ceſte cauſe à mon jugement ceulx la doivent eſtre eſtimez ſaiges & avoir grande congnoiſſance des ſecretz de nature, qui ont eſté autheurs par leurs voyages & navigations de cercher & deſcouvrir nouvelles terres, regions & provinces comme puiſnagueres en ont eſté deſcouvertes tant en terre ferme que iſles aux anciens incongneues, autant ou plus que monte noſtre Europe. Encores aurions nous plus grande certitude & experience des regions Orientales, si de tous ceulx qui en ont entrepris le voyage le retour euſt eſté heureux & à ſauveté : mais aux viateurs ſe preſentent en tant de divers pays & provinces infiniz perilz & dangers : car ou ilz tombent es mains des volleurs, brigans, pirates & courſaires, ou de quelques gens cruelz & inhumains, qui les tuent, ou reduyſent en perpetuelle ſervitude, ſinon rencontrent mers tempeſtueuſes, grans deſertz arides & ſablonneux qu’il leur convient paſſer, eſquelz on ne trouve à peine de l’herbe pour les beſtes, des eaues infectes & mortiferes dont à faulte de meilleure leur convient boire, challeurs ou froidures intollerables, perſecutions de beſtes ſauvages & cruelles, & autres innumerables perilz, en ſorte que bien peu nous ont eſté renduz ſains & ſauves, de tant de curieux explorateurs qui ſont partiz d’Europe pour deſcouvrir l’Aſie. Et ſi aucuns en ſont retournez, ilz ont eſté ſi affoibliz & exanimez de tant de labeurs & travaulx par eulx ſouffertz qu’ilz n’ont tenu compte de rediger par eſcript ce qu’ilz ont veu & deſcouvert, ou si quelque choſe en ont deſcriptz, ce a eſté en leur langage vulgaire