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VALEUR DES IMAGES PHOTOGRAPHIQUES.

De la valeur des images photographiques.

Si l’on recherche la sincérité dans les descriptions scientifiques, c’est à la photographie qu’on doit recourir. Les dessins les plus soigneusement faits d’après nature, soit qu’il s’agisse de représenter l’aspect général d’un animal ou d’une plante, soit qu’on ait à figurer les éléments histologiques révélés par le microscope, sont toujours plus ou moins éloignés de la vérité. En outre, ces dessins ne peuvent nécessairement contenir que ce que l’observateur a vu sur la nature ; or, que de choses échappent, même à des observations souvent répétées. Dans une photographie, tout est représenté, et, sur une image chargée de détails, si nous ne saisissons pas tout dès le premier coup d’œil, nous pouvons revenir plus tard à un nouvel examen de cette image et y découvrir ce qui nous avait échappé tout d’abord.

Le docteur Francis Galton[1] a publié, sur le rôle de la photographie dans les sciences, de remarquables observations ; pour lui, cette méthode est destinée à accroître beaucoup les ressources de l’esprit humain dans les découvertes scientifiques. Dans les sciences naturelles, en effet, nos jugements et nos raisonnements sont basés sur la comparaison, le rapprochement de choses ou de phénomènes que nous avons vus. C’est le plus souvent dans notre mémoire que nous cherchons les éléments de ces comparaisons. Or, quoi de plus infidèle que nos souvenirs ? La meilleure mémoire ne représente que ce qu’on a attentivement observé, ce qui a vivement attiré l’attention. En outre, chacun de nous a éprouvé les effets désastreux du temps sur la mémoire : non seulement l’effacement graduel des souvenirs, mais la transformation des faits ou des images, sous l’influence d’autres faits ou d’autres images qui viennent se confondre avec eux. Que de fois, en revoyant à long intervalle les mêmes lieux ou les mêmes objets, ne sommes-nous pas étonnés du faux souvenir que nous en avions gardé ?

La photographie, comme toutes les représentations graphiques, est une mémoire fidèle qui conserve inaltérées les impressions qu’elle a reçues. Grâce à elle, au lieu d’invoquer de vagues souvenirs pour comparer entre eux des êtres ou des phénomènes, il

  1. Voir Revue scientifique, no 2 (13 juillet 1878) et no 10 (6 septembre 1879).