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ENFANCE

leur moyen de mettre fin à cet anarchisme enfantin.

On décida de me mettre au couvent. J’avais neuf ans révolus.

Hélas ! Éducateurs et éducatrices ne conçoivent guère de réduire par la persuasion, la douceur, la bonté, les esprits non conformistes. On compte sur la force, qui cependant paraît bien avoir fait faillite. Elle ne devait point réussir avec moi.

J’avais déjà et j’ai toujours, au suprême degré, un grand besoin de vérité, d’exactitude et de franchise. Il correspondait bien aux conseils qu’on me donnait de partout, mais pas à la façon dont il faut les comprendre. On me nommait saint Jean Bouche d’Or, pour ma sincérité brutale.

Mon éducation fut confiée à tous les ordres religieux possibles, en France et en Espagne. De chaque établissement, la révolte, l’impertinence et ce qu’on appelle la dissipation me firent congédier bientôt.

Notez que je n’étais ni paresseuse ni mauvaise élève. La seule fois où je passai toute l’année scolaire dans un de ces couvents, je récoltai tous les prix de la classe, sauf celui de sagesse. Je rentrai chez moi, avec des piles de volumes dorés, une couronne de lauriers comme une impératrice et la bienveillante accolade de Mgr Gieure, évêque de Bayonne, qui était venu, ce jour-là, présider la distribution des prix aux Ursulines de Fontarabie.

Je cite cet événement, car il fut exceptionnel. Partout ailleurs, avant que juillet arrivât, on me mettait en devoir de partir d’urgence, soit pour avoir scandaleusement violé la règle, soit pour avoir fomenté la révolte dans un dortoir, soit pour une folle équipée conforme à mes goûts. Ma famille, découragée par tant d’expulsions, voulut faire l’es-