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MARIAGE

seul, sans hâte, avec son éternel sourire. Il explique être allé chez le coiffeur pour faire soigner sa beauté. Il s’agit bien d’être beau et de se faire raser en plaquant tout le monde en pleine cérémonie.

J’insiste pour qu’on cesse de tergiverser. Les formalités reprennent au point où elles avaient été interrompues. Le cheik Tewfik nous tend un reçu à fond blanc avec une mosquée imprimée en jaune, le récépissé est distinction honorifique et bénédiction à la fois. Nous signons l’acte final, il ne reste plus qu’à partir.

Les félicitations et les allusions à notre lune de miel commencent. On conseille à Soleiman de m’embrasser. Je l’en dissuade par un regard foudroyant que j’accompagne d’un geste significatif, auquel il répond d’un air malin :

« Elle ne perd rien pour attendre, je lui apprendrai le petit jeu ce soir… »

Fanfaronnade, je reste impassible, satisfaite qu’il joue aussi bien en public son rôle difficile d’époux.

Mon énervement est à son comble, tout est signé, terminé : c’est le moment décisif, mais le cheik, en bon fonctionnaire, veut être couvert et tenir en mains la fameuse autorisation qui court après lui, avec Azem, notre fidèle secrétaire. Prières, supplications, menaces, le font enfin céder… l’acte de mariage est dans mon sac… Je tire vivement Soleiman par le bras, nous laissons nos témoins et nos hôtes de fortune faire des vœux pour notre bonheur. Ils semblent consternés d’un départ si rapide. Nous nous jetons pêle-mêle au milieu de nos bagages dans la voiture, et nous quittons Haïfa à toute allure par la route de Jérusalem. Je suis nerveuse et trépidante dans un coin, dans l’autre Soleiman se compose l’attitude d’un émir, avec toute la dignité de la noblesse qu’il s’est attribuée.