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SUEZ

l’embarquement à Suez ! Ce n’est pas tout, il nous manque un vaccin, je n’ai jamais pu comprendre lequel. On nous mène au plus vite pour le recevoir. Nous cheminons deux kilomètres dans le sable entre deux infirmiers, pour être menés au médecin de la quarantaine. Il prend, en nous voyant, une énorme seringue complétée d’une aiguille géante. Et, comme j’avance la jambe, il fait signe qu’il veut commencer par Soleiman.

Mon mari-passeport reçoit la moitié du vaccin dans le bras, puis c’est mon tour. Je demande timidement s’il ne serait pas convenable de changer l’aiguille. Le médecin en tarbouche hausse les épaules, puis, l’opération faite :

— N’est-il pas ton mari ?

Il faut subir la fouille… On l’applique, je le sais, un peu partout, mais je n’y avais jamais été soumise. Dans une petite chambre, une grosse femme abandonne un tricot pour me palper et me tripoter sur toutes les coutures. Elle se déclare enfin satisfaite et touche avec respect deux « gris-gris » que je porte sur le cœur.

Nous passons le canal, nous voilà au Kantara égyptien. Soleiman rencontre des connaissances. Ce sont, au vrai, des amis d’amis d’amis…

On les croirait pourtant liés depuis des siècles. Nous prenons un thé réconfortant avec ces amis dont le nombre va croissant à chaque instant. On nous escorte en chœur au train avec des souhaits attendrissants jusqu’à notre compartiment, vingt mains cordiales nous passent nos valises et, lorsque le train s’ébranle, ce sont des gestes désespérés, comme si nous quittions des frères inséparables.

Voici Suez, cette fois. Il est minuit. Nous sommes exténués. Une seule idée surnage dans nos cerveaux las : dormir. Soleiman se fait accoster par une sorte