Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome I.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
295
IIIJe NOUVELLE

ne la compaignie au partir, se tint asseurée que c’estoit celuy qui luy avoit fait tant de torment, lequel n’osoit monstrer les marques qu’elle luy avoit faictes au visaige. Et, combien que son Maistre l’envoyast souvent quérir, si ne retourna poinct à la Cour qu’il ne fust bien guéry de toutes ses playes, hors une, celle que l’amour & le despit luy avoient faict au cueur.

Quand il fut retourné devers luy & qu’il se retrouva devant sa victorieuse ennemye, ce ne fut sans rougir, & luy, qui estoit le plus audacieux de toute la compaignye, fut si estonné que souvent devant elle perdoit toute contenance. Par quoy fut toute asseurée que son soupson estoit vray, & peu à peu s’en estrangea, non pas si finement qu’il ne s’en apparçeust très bien ; mais il n’en osa faire semblant, de paour d’avoir encores pis, & garda cest amour en son cueur, avecq la patience de l’esloingnement qu’il avoyt mérité.

« Voylà, mes Dames, qui devroyt donner grande craincte à ceulx qui présument ce qui ne leur appartient. Et doibt bien augmenter le cueur aux Dames, voyans la vertu de ceste jeune Princesse & le bon sens de sa Dame d’honneur. Si à quelqu’une de vous advenoit pareil cas, le remède y est jà donné.

— Il me semble, » dist Hircan, « que le grand