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Ire JOURNÉE

— Où avez-vous veu, » dist Saffredent, « que nous ayons pourchassé les Chamberières de nos femmes ?

— Si celles à qui touche, » dist Longarine, « vouloient dire la vérité, l’on trouveroit bien Chamberière à qui l’on a donné congé avant son quartier.

— Vrayment, » ce dist Geburon, « vous estes une bonne dame qui, en lieu de faire rire la compaignye, comme vous aviez promis, mectez ces deux pauvres gens en collére.

— C’est tout ung, » dist Longarine ; « mais qu’ilz ne viennent poinct à tirer leurs espées, leur collère ne fera que redoubler nostre rire.

— Mais il est bon, » dist Hircan, « que, si nos femmes vouloient croire ceste dame, elle brouilleroit le meilleur mesnaige qui soyt en la compaignye.

— Je sçay bien devant qui je parle, » dist Longarine ; « car voz femmes sont si saiges & vous ayment tant que, quand vous leur feriez des cornes aussi puissantes que celles d’un daim, encores voudroient elles persuader elles & tout le monde que ce sont chappeaulx de rozes. »

La compaignye & mesmes ceulx à qui il touchoit se prindrent tant à rire qu’ils meirent fin à leur propos. Mais Dagoucin, qui encores n’avoit sonné mot, ne se peut tenir de dire : « L’homme est bien déraisonnable quand il a de quoy se contenter & veult chercher autre chose. Car j’ai veu souvent, pour cuyder mieulx avoir & ne se contanter de sa suffisance, que l’on tombe au pis, & si n’est l’on poinct plainct, car l’inconstance est tousjours blasmée. »

Simontault luy dist : « Mais que ferez vous à ceulx qui n’ont pas trouvé leur moictié ? Appellez vous in-