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Ire JOURNÉE

oye ; mais par moy vous n’aurez pis, si vous ne m’y contraingnez comme vous avez faict, & n’ayez pas paour que j’en sçeusse aymer d’aultre, car, puis que je n’ay trouvé au cueur que je sçavois le plus vertueux du monde le bien que je desirois, je ne croiray poinct qu’il soit en nul homme. Ce malheur sera cause que je seray pour l’advenir en liberté des passions que l’amour peult donner. »

En ce disant, print congé d’elle.

La mère, qui regardoit sa contenance, n’y sçeut rien juger, sinon que depuis ce temps là congneust très bien que sa fille n’avoit plus d’affection à Amadour, & pensa pour certain qu’elle fust si desraisonnable qu’elle hayst toutes les choses qu’elle aimoit, &, dès ceste heure là, luy mena la guerre si estrange qu’elle fut sept ans sans parler à elle si elle ne s’y courroussoit, & tout à la requeste d’Amadour.

Durant ce temps là, Floride tourna la craincte qu’elle avoit d’estre avecq son mary en volunté de n’en bouger, pour les rigueurs que luy tenoit sa mère ; mais, voyant que riens ne luy servoit, délibéra de tromper Amadour &, laissant pour ung jour ou deux son visaige estrange, luy conseilla de tenir propos d’amitié à une femme qu’elle disoit avoir parlé de leur amour.

Ceste Dame demoroit avecq la Royne d’Espai-