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ORAISON FUNÈBRE

que, quand nous voulons signifier quelque chose estre de grand & précieux pris, nous l’appelions communement Marguerite. Cecy nous est confirmé par Jésus-Christ, qui, n’ayant aultre chose a qui peust convenablement comparer la parolle de Dieu, en l’Évangile l’appelle Marguerite ; car, ainsi que dit S. Augustin, elle reluit de la splendeur de vérité, elle est solide de la fermeté d’éternité, & de toutes parts est tousjours semblable de la beaulté de divinité.

Or, fault il donc que la chose soit de grand pris qui pourra estre comparée avec la Marguerite, que les Latins ont appellée union pource qu’on n’en pourroit trouver deus qui ne soient différentes. Les François en leur langage nomment la Marguerite « Perle », & la chose perfaicte en toute perfection, & estimée n’avoir sa pareille, ils appellent une Perle. Et pource, sans grand mystère, ne devoit estre nommée Marguerite celle qui devoit reluire d’une candeur de cœur & d’intégrité de vie, qui devoit estre grande de noblesse ancienne de sang, de grands biens de fortune & de Royalle Majesté, qui devoit estre égalle & unie de vertu & tousjours une, mesmes en ses escripts ? Je dy que celle à bon droit est appellée « union » qui ne devoit laisser au monde sa pareille.

Les Médecins donnent des grandes vertus aux Marguerites, lesquelles nous ne réciterons présentement par leurs noms & ordre, car seroit chose trop ennui[eu]se pour la prolixité, mais nous en parlerons briefvement d’aulcunes. Les Marguerites & Perles servent de souverain remède au mal de cœur & à tout évanouissement, & pource l’on dit qu’elles confortent & fortifient les esprits. Or, à quelles personnes les esprits défaillent plus qu’à ceuls qui sont agités d’adversité & ne veoient aulcun port où se puissent tirer à saulveté ? Marguerite devoit estre le divin instru-